Michel (le prénom de l’agriculteur a été changé) cultive près de trois cents hectares. Il témoigne aujourd’hui anonymement, de peur des représailles, chez lui ou sur les réseaux sociaux. Vendredi dernier, alors qu’il épand de l’engrais sur son blé, un voisin traverse les champs, furieux, pour venir se planter en travers de la route du tracteur.
Le semoir de Michel est ancien, sans système de bordure, qui, malgré ses précautions, a projeté quelques granulés sur la pelouse d’un riverain, dont le jardin se trouve en bord de champ. « Avec un épandeur de 28 mètres, explique Michel, difficile d’éviter quelques petites projections. »
Dénonciation à la police
L’homme a l’air si furieux, les gendarmes diront « sanguin », que Michel décide de rester dans sa cabine. Il contourne l’homme, pour finir d’épandre l’engrais, en s’appliquant à limiter les projections. À son retour chez lui, un drôle de comité d’accueil l’attend.
« Il y avait les gendarmes, qui avaient été alertés par ce même voisin. Je leur ai expliqué que j’avais fait les démarches pour investir dans un nouvel épandeur à bordures, ils ont bien vu que je n’étais pas un imbécile. »
Une triste aventure pour ce céréalier qui s’efforce toujours de répondre positivement aux inquiétudes des riverains de ses parcelles. « Je laisse des bandes enherbées près des maisons, je sème le plus tard possible pour éviter les pucerons, et je choisis des variétés résistantes aux maladies. Avec quelques techniques simples, j’économise au moins trois ou quatre traitements. »
Les histoires s’enchaînent et se ressemblent
Michel a eu d’autres soucis, l’année dernière, avec des traitements fongicides. Avec de fortes chaleurs, il traitait la nuit, conformément aux recommandations, et pour éviter de trop gêner ses voisins. Loin de rassurer, cette précaution a jeté le soupçon.
« J’ai terminé vers onze heures, et il y avait déjà des messages sur Facebook. Des gens m’accusaient d’utiliser des produits illégaux, certains voulaient même venir fouiller dans mes poubelles. »
Pour Michel, ce nouvel épisode de l’engrais, n’est donc que la suite d’une triste série. Lui, qui n’avait jamais eu de problèmes en plus de vingt ans d’expérience, peine à garder son optimisme.
« On va avoir de plus en plus de problèmes. Pourtant, moi, j’essaie de faire mon boulot correctement, de ne pas faire n’importe quoi. Avec les heures que je fais, des cours de matières premières aussi fluctuants, si en plus on doit se faire taper dessus, je dis non. »