La chaîne de télévision affirme avoir reçu des fichiers informatiques « confidentiels » portant la signature d’agences de communication travaillant pour le groupe Monsanto, filiale depuis l’an dernier de Bayer. Dans un premier document datant de 2016, une cartographie portant le logo de Monsanto et du géant français de la publicité Publicis classe les principaux acteurs du débat sur les pesticides en France en fonction de leur degré d’influence, affirme l’enquête.

Deux fichiers

Selon le P-DG de Publicis Consultants, ces informations ont été récoltées « uniquement sur la base de données publiques », rapporte France 2. Mais une deuxième agence de communication, Fleishman Hillard « aurait quant à elle utilisé en 2016 un autre fichier », rassemblant notamment les adresses privées ou encore les numéros de téléphone sur liste rouge de 200 personnalités.

 

Ces dernières ont été « évaluées sur plusieurs thématiques, des OGM aux pesticides avec des notes de 0 à 5 en fonction de la crédibilité, l’influence et le degré de soutien à Monsanto », affirme le reportage. Dans un autre document, un tableau contient 74 « cibles prioritaires » divisées en quatre groupes : les « alliés », les « potentiels alliés à recruter », les personnalités « à éduquer » et celles « à surveiller ».

Des plans d’action personnalisés

Sur la base de cette liste a été établi un plan d’action personnalisé, avec les loisirs de ces cibles, et pour les « alliés », des propositions de tweets et d’infographies à diffuser, selon la chaîne. « C’est une découverte très importante car ça prouve qu’il y a des stratégies objectives, de démolition de voix fortes », a commenté dans le reportage de France 2 l’ancienne ministre de l’Environnement Ségolène Royal, alors classée comme personne « à surveiller ».

 

« On voit qu’il y a un outil informatique très sophistiqué et qu’il y a beaucoup d’informations », a poursuivi Ségolène Royal, qui était favorable à l’interdiction du glyphosate. Contactée par l’AFP, l’agence Fleishman Hillard représentant Monsanto en France n’a pas réagi dans l’immédiat jeudi soir.

Le Monde porte plainte

Le journal Le Monde et Stéphane Foucart, un de ses journalistes cité dans les documents, ont porté plainte contre X le 26 avril auprès du parquet de Paris, notamment pour « mise en œuvre de traitements de données à caractère personnel illicite », a indiqué la direction du journal jeudi sur son site.

 

Pour l’avocat du quotidien, Maître François Saint-Pierre, « Le Monde ne peut pas accepter qu’une multinationale fiche les journalistes en fonction des enquêtes qu’ils mènent sur elle, ce que même les services de police n’ont pas le droit de faire ; c’est illégal. »

 

Le quotidien Le Parisien/Aujourd’hui en France a confirmé vendredi à l’AFP que le journal allait saisir la CNIL. Trois de ses journalistes auraient été fichées par Monsanto en fonction de leur position sur le glyphosate. Le journal se réserva la possibilité, avec les journalistes en question, d’engager une procédure judiciaire.

Bayer n’avait « pas connaissance » des fichiers

Le groupe Bayer, propriétaire depuis 2018 de Monsanto, a indiqué ce 10 mai 2019 qu’il n’avait « pas connaissance » de fichiers de personnalités commandés par sa filiale et répertoriant leur position sur les pesticides.

 

« Concernant les fichiers évoqués dans les médias hier soir et ce matin, nous n’en avions pas connaissance », a déclaré la direction de Bayer à l’AFP. Elle souligne que les fichiers incriminés dateraient de 2016 « date à laquelle Bayer et Monsanto étaient deux groupes indépendants l’un de l’autre ».

 

« Comme nous n’en avions pas connaissance, il ne nous est pas possible d’y apporter des commentaires », ajoute la direction du groupe allemand, qui assure accorder « une importance capitale » au respect des lois et règlementations, notamment en matière de confidentialité des données.