La construction paille restée longtemps marginale fait l’objet d’une attention croissante. Comment l’expliquez-vous ?
Adoptée en 2020, la règlementation environnementale RE2020 fixe des seuils pour l’impact environnemental de la construction. Elle incite clairement les professionnels à s’intéresser aux produits biosourcés lesquels offre souvent un bilan particulièrement avantageux.
À cette tendance s’ajoute l’obtention en décembre 2023 d’une ATEX (1) pour la paille hachée IELO, ce qui en fait un produit du bâtiment à part entière et dont la mise en œuvre est similaire à la ouate de cellulose. Les artisans peuvent donc facilement s’approprier la technique.

Vous évoquez une potentielle massification des usages. Quelles initiatives observez-vous dans ce sens ?
Nous observons un foisonnement d’initiatives. Je citerai ainsi l’engagement en 2023 de quatre bailleurs sociaux normands à utiliser cet isolant dans 10 % de leurs chantiers, qu’il s’agisse de construction ou de rénovation. Soutenu par le groupe Action Logement (2), l’Appel Paille qu’ils portent permettra de mieux identifier les acteurs et les réalisations régionales. Cette initiative vise également à promouvoir la filière en formant les salariés et impliquant les habitants. Enfin, elle testera son usage dans les constructions et partagera cette expérience via un livre blanc. Cela traduit vraiment un changement d’échelle.
En région Nouvelle-Aquitaine, la SCIC (3) IELO met autour de la table tous les acteurs de cette filière émergente, dans un esprit d’organisation équitable et transparente. Créée en 2021, elle est à l’origine de l’usine Brin d’Or à Bonneuil-Matours (Vienne), en partenariat avec la coopérative de la Tricherie. Cette première usine est d’ores et déjà en capacité de produire 6 000 tonnes par an pour répondre à la demande. À moyen terme, d’autres usines pourraient voir le jour. Un projet est ainsi déjà bien avancé dans les Hauts-de-France.
Toutefois, il convient de rester conscient que les défis restent nombreux. Pour la paille hachée par exemple, ils concernent sa certification pour l’emploi dans les parois non verticales et une meilleure reconnaissance de ses capacités thermiques.
Ces opportunités ne constituent-elles pas une menace pour l’élevage ou la fertilité des sols ?
Globalement, 1 % des 20 millions de tonnes de paille techniquement récoltable chaque année en France permettrait de couvrir 10 % des besoins de mise en construction. Pour calculer la disponibilité de celle-ci, les simulations de l’ONRB (4) satisfont en premier lieu les besoins des élevages, et considèrent ensuite l’exportation d’une paille sur cinq ans pour les systèmes céréaliers. Alors que la consommation de paille pour l’élevage en France et à l’export a tendance à diminuer, une valorisation locale a toute sa place.
À ce jour, la valeur économique de cette ressource ne me semble pas remettre en cause les équilibres. Toutefois, il conviendra de rester vigilant à l’avenir et de mettre en place un pilotage fin préservant la durabilité des systèmes de culture. Celui-ci devra intégrer les autres ressources lignocellulosiques telles que le miscanthus, le chanvre et le lin mais aussi les multiples besoins d’une bioéconomie en plein développement.
(1) Appréciation Technique d’Expérimentation (ATEx) : une procédure rapide d’évaluation technique formulée par un groupe d’experts sur tout produit ou procédé innovant.
(2) Organisme collecteur du 1 % logement versé par les employeurs
(3) Société coopérative d’intérêt collectif
(4) Observatoire national des ressources en biomasse