Les premiers cas d’influenza aviaire de la saison sont apparus sur des dindes, et non sur des canards, qui font cette année l’objet d’une vaccination contre l’influenza aviaire. Est-ce un bon signe quant à l’efficacité du vaccin ?
Pour le moment, la vaccination a permis d’échapper à des foyers d’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) en élevage de canards. C’est une bonne nouvelle, mais il est trop tôt pour crier victoire. Nous n’avons pas encore passé la période à risque, on est même en plein dedans. Il y a de forts mouvements de migration d’oiseaux sauvages. Des cas d’IAHP ont été recensés sur des grues cendrées et des goélands. Ces derniers sont probablement à l’origine des premiers foyers d’IAHP de la saison, situés dans le Morbihan. Dans ces élevages de dindes, le virus a été détecté très vite, dès les premiers symptômes. Cela prouve que le niveau de vigilance des éleveurs et des vétérinaires est très élevé.

Toutes les conditions sont-elles réunies techniquement pour réussir la campagne de vaccination ?
Le vaccin qui est utilisé actuellement permet de différencier assez facilement les animaux vaccinés et les animaux infectés. Nous avons par ailleurs une traçabilité des animaux vaccinés très bien organisée. On les connaît et on les identifie bien. Il a fallu mettre au point un système informatique adapté pour réaliser les commandes de vaccin et s’assurer qu’ils sont bien administrés. Le ministère de l’Agriculture, avec l’aide des vétérinaires, a développé un outil qui fonctionne bien, en peu de temps.
Peut-on espérer qu’aucun élevage de canards ne soient touchés cette saison ?
On n’évitera peut-être pas l’introduction du virus. Il n’est pas impossible que des animaux soient contaminés. Mais on espère éviter la diffusion du virus.
Nous pourrions précisément espérer limiter dans le temps l’endémisation de l’IAHP dans la faune sauvage locale, et retrouver une « saisonnalité » du virus, de la fin de novembre à la mi-janvier.
Comment le vaccin peut éviter la diffusion du virus ?
La vaccination ralentit la réplication du virus et diminue donc considérablement sa contagiosité. Cela a deux effets : d’abord, celui de limiter la diffusion du virus entre élevages. Mais aussi et surtout, d’éviter une contamination massive de l’environnement. Plus l’environnement est contaminé par le virus, plus cela contribue à un effet « boule de neige » : les oiseaux sauvages contaminent les oiseaux domestiques qui amplifient le virus, et ainsi de suite. Par conséquent, la faune sauvage locale se retrouve infectée tardivement dans la saison car ce cycle se perpétue. Cela conduit à une endémisation du virus, telle qu’on l’a connue lors de la saison de 2021-2022.
Quels bénéfices de la vaccination peut-on espérer sur le long terme ?
Nous pourrions précisément espérer limiter dans le temps l’endémisation de l’IAHP dans la faune sauvage locale, et retrouver une « saisonnalité » du virus, de la fin de novembre à la mi-janvier. Cette saisonnalité, on peut gérer avec la vaccination — et il faudra vraisemblablement vacciner pendant plusieurs années — mais aussi par de la dédensification, et des mesures de biosécurité renforcée. En mettant les animaux à l’abri, on évite les contacts avec la faune sauvage. Cela demande toutefois d’importants investissements en élevage. Mais mettre des animaux à l’abri pendant les mois d’hiver lorsqu’il fait plus froid n’a pas mêmes conséquences que de le faire au mois d’avril ou mai, lorsque la photopériode et la température sont plus importantes. Cela pose d’énormes problèmes de comportement et de bien-être animal. Ces animaux ne sont pas adaptés pour ça.
Propos recueillis par Vincent Guyot et Cécile Prétot