Pour Eric Thirouin, président de l’AGPB (Association générale des producteurs de blé et autres céréales), la proposition de la Commission européenne fait sens : « il est logique de renouveler l’autorisation du glyphosate pour dix ans car l’Efsa, l’autorité européenne de sécurité des aliments, a dit qu’il n’y avait pas de problèmes pour la santé, contrairement à ce que d’autres déclarent », a-t-il indiqué à l’occasion de la conférence de presse de rentrée du syndicat le jeudi 21 septembre 2023.
Une opinion également partagée par la section France Grandes Cultures de la Coordination rurale : « Dans la mesure où aucune alternative aussi efficace et à coût identique n’existe, le glyphosate ne doit pas être supprimé et la France doit suivre la position de la Commission européenne », a ainsi commenté Damien Brunelle, son président, par un communiqué le même jour.
Une distorsion de concurrence qui inquiète
Le président de l’AGPB se dit néanmoins dubitatif et inquiet : « je m’aperçois que la France toute seule a fait une distorsion de concurrence depuis cinq ans avec des restrictions d’usage sur le glyphosate extrêmement contraignantes… Et elle a demandé apparemment cet été à l’Europe : “si vous voulez qu’on vote pour, il faut que vous preniez les mêmes restrictions contraignantes qu’il y a en France” », relate-t-il.
Or le projet de règlement tel qu’il est proposé aujourd’hui suppose que chaque État membre « prête attention » aux incertitudes qui planent toujours sur la matière active, par des mesures adaptées à leur situation. « Il ne faudrait pas qu’on se retrouve demain avec tous les pays qui vont avoir l’usage du glyphosate, comme aujourd’hui, et cette distorsion de concurrence en France avec des restrictions qu’il n’y a nulle part ailleurs », alerte de ce fait Eric Thirouin.
« Un désastre » pour les associations environnementales
Du côté des ONG et de certains mouvements européens, les critiques sont vives : « on ne peut condamner l’Europe à dix ans de glyphosate alors que subsistent tant de dangers et d’incertitudes » s’est ainsi insurgé Christophe Clergeau, député européen socialiste en charge des dossiers agricoles et environnementaux.
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Même son de cloche pour PAN Europe (Pesticide Action Network Europe), estimant qu’un renouvellement pour dix ans serait « un désastre pour la santé humaine et l’environnement ». L’organisation reproche également le fait que les préoccupations citoyennes ne soient pas entendues dans cette procédure. Selon un récent sondage, « 62 % des citoyens de l’Union Européenne dans ces pays ont répondu que l’utilisation du glyphosate devrait être interdite en Europe », commente-t-elle.
La France appelée à voter contre
Générations Futures dénonce quant à elle une « position schizophrénique » de la France sur la question de l’impact de la substance active sur la biodiversité, actuellement non évalué pour des raisons méthodologiques. Selon elle, les autorités françaises identifient la biodiversité comme un « critère d’approbation pertinent », tout en acceptant le renouvellement du glyphosate. « On autorise et pour la biodiversité on verra plus tard ! Cette position est scandaleuse car elle ignore totalement l’impératif de protéger la biodiversité, en plein effondrement », fustige l’association.
« Il n’y a qu’une façon pour le gouvernement français d’agir aujourd’hui de manière cohérente dans ce dossier : voter contre toute demande de réautorisation du glyphosate en Europe […] », conclut Générations Futures. Un appel à voter contre aussi partagé par Greenpeace : « La France doit jouer un rôle moteur et sans ambiguïté pour faire interdire le glyphosate en Europe. Alors qu’Emmanuel Macron s’était engagé en 2017 à sortir du glyphosate, le gouvernement doit prendre ses responsabilités […] », déclare-t-elle.
Neutralité pour l’Anses
L’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), qui a participé au rapportage de l’évaluation des risques de la matière active, a quant à elle déclaré ne pas se positionner sur l’autorisation : « Nous ne sommes pas décideurs de l’autorisation de la substance […]. L’Anses a fait son travail sur la partie collaborative de l’expertise. Nous n’avons pas de jugement à apporter sur telle ou telle orientation gouvernementale en matière de position vis-à-vis du glyphosate, ce qui est logique », a précisé Charlotte Grastilleur, directrice générale déléguée du pôle Produits réglementés de l’Anses, lors d’une audition à l’Assemblée nationale le 21 septembre 2023.