L’histoire de la ferme Duteil-Becker, c’est celle d’une belle rencontre entre Armand et Paula, originaire du Chili, arrivée en France à l’âge de 6 ans avec ses parents fuyant la dictature de Pinochet. Armand Duteil représente la troisième génération d’agriculteur, après ses grands-parents venus de Normandie après la seconde guerre mondiale. Armand s’installe en 1996 avec de la viande bovine comme production principale, des céréales et un petit atelier de poulets de chair.

Toujours en activité à cette date, son père Yvon a sa propre exploitation et se consacre au maraîchage conventionnel. Après avoir occupé un emploi à l’extérieur, Paula rejoint l’exploitation en 2012, date de la retraite de son beau-père dont les parcelles sont reprises. « Nous avions envie de travailler ensemble autour d’un projet commun », dit-elle. Cette année-là marque un tournant. Deux ans auparavant, la certification bio a été obtenue. Le couple repense sa façon de travailler.

Des semences paysannes

Armand et Paula font le choix de travailler avec des variétés anciennes et semences paysannes, de développer l’agroforesterie et l’activité ferme pédagogique. « J'avais la volonté de rompre avec un système. Nous avons opté pour davantage d’autonomie », explique Armand. Depuis 2014, il n'a plus recours aux semences brevetées, mais fait appel à la " maison de la semence " de la Dordogne.

© Claude-Hélène Yvard - Paula Becker a pris la suite de son beau-père sur le marché de Périgueux. Elle est présente tous les samedis.

Cette structure pionnière a été lancée au début des années 2000 par un autre agriculteur du cru, Bertrand Lassaigne, avec l'association Agrobio Périgord, pour retrouver des semences paysannes, en blé et maïs, longtemps aliments de base du Sud-Ouest. En parallèle, sous l’impulsion de Paula qui a une expérience d’enseignante, la petite exploitation s’ouvre sur l’extérieur et accueille tous les publics. 

Une histoire de famille

« Le maraîchage a toujours été une histoire de famille, même si au départ, ce n’était pas ma production préférée. Elle l’est devenue au fil des ans », indique Armand. Depuis 80 ans, l’exploitation a son étal sur le marché de Périgueux, chaque samedi, près de la cathédrale Saint-Front. Au départ, le grand-père vendait en direct son surplus de production de légumes, des œufs et quelques poulets. Le père d’Armand a continué jusqu’à l’arrivée de Paula. La commercialisation des légumes, des plantes médicinales et des fruits (noix, pommes) en direct est devenue la principale source de revenus du couple.

« Nous nous sommes professionnalisés. Nous avons débuté sur une petite parcelle de plein champ, puis nous avons monté des serres. Nous avons aussi une petite gamme de produits transformés : huile de noix, confitures. » L’activité s’étend sur 1,5 ha et de nouveaux tunnels sont prévus. Paula est présente sur trois marchés : à celui de Périgueux, sont venus s’ajouter ceux de Brantôme et de Bourdeilles.

© Claude-Hélène Yvard - En novembre, le couple a accueilli un groupe de Mexicains désireux d'apprendre les techniques boulangères à partir de variétés anciennes.

Départ du vétérinaire

Le bouleversement à venir, c’est l’arrêt de l’élevage. Fin décembre, le cheptel allaitant aura disparu. Un choix qu’explique Armand : « Mes animaux étaient commercialisés à 50 % en direct. L’élément déclencheur de la réflexion, c’est le départ à la retraite de notre vétérinaire sanitaire. Celui qui intervient désormais est situé à 80 kilomètres. Difficile dans ces conditions d’avoir un suivi. Notre cheptel, de moins de 50 bêtes, intéresse peu. » Le couple aurait souhaité pouvoir s’agrandir d’une dizaine d’hectares et d’une dizaine de têtes, mais on ne lui a pas laissé cette opportunité.

Les astreintes liées à l’élevage, l’augmentation des charges d’alimentation, la fermeture de l’abattoir de Ribérac ont fini de le convaincre de vendre les bêtes. Sur le plan économique, les deux exploitants ne parvenaient pas à se dégager un revenu suffisant pour avoir un salarié et faire appel à un service de remplacement pour prendre un peu de repos et voyager. Ils ont utilisé le produit de la vente des animaux pour solder les encours. « Ce choix difficile nous laisse l’opportunité de transmettre un jour à l’un de nos enfants. Notre aîné, âgé de 20 ans, ne l’exclut pas, mais l’élevage ne l’intéresse pas », précise Paula.