Pour une pomme, le surpoids commence à 270 g et le sous-poids s’arrête à 115 g. Pour les petits calibres boudés pas ses clients habituels, la coopérative Les Balcons du Pilat, dans la Loire, a trouvé un nouveau marché. « Nous avons créé une nouvelle ligne de tri pour les pommes de 95 à 115 g, afin de les vendre à Atypique », explique Olivier Lecoq, directeur de la coopérative. Ce débouché a représenté 20 tonnes en un an, et pourrait passer à 35 tonnes l’an prochain. Autant de fruits sauvés de l’industrie agroalimentaire, qui certes achète les surplus et rebuts, mais à prix cassés.
Le producteur fixe son prix
« Quand l’industrie paye le kilo de pommes autour de 0,19 €, nous le payons entre 0,55 et 0,80 € », indique Thibault Kibler, cofondateur d’Atypique, un grossiste spécialisé dans les fruits et légumes français de qualité, mais déclassés. « Nous achetons et revendons essentiellement du hors calibre, et dans une moindre mesure des produits moches ou tordus, poursuit-il. Presque tous sont bio ou HVE. Et ils doivent être sains et stockables : pas de produits grêlés qui risquent de pourrir à peine arrivés chez le client. » L’idée de la start-up est venue de son associé, Simon Charmette. Chez ses parents, ce fils d’agriculteur ardéchois a vu des tonnes de châtaignes bio, saines mais hors calibre, déclassées en nourriture pour cochons. Il a voulu lutter contre ce gâchis.
« Les producteurs qui ne pratiquent pas de vente directe n’ont pas toujours de débouché pour les produits hors-norme, reprend Thibault Kibler. Ceux-ci risquent de n’être même pas récoltés, car le prix de vente à l’industrie ne couvre pas les charges. Pour éviter ce gâchis, Atypique laisse le producteur fixer son prix. Nous négocions seulement s’il semble trop décalé par rapport au marché, car pour intéresser nos clients professionnels malgré leurs défauts, les produits doivent être vendus à des prix compétitifs. »
Au minimum 300 kg
Depuis 2021, la start-up travaille avec des agriculteurs individuels et des coopératives de toute taille. « Ils se manifestent par téléphone ou mail (1), et décrivent leurs produits le plus précisément possible, en joignant une photo, précise Thibault. Nous les référençons sur un catalogue en ligne accessible en permanence aux clients. Ceux-ci connaissent donc à l’avance les défauts des produits qu’ils commandent et n’ont pas de mauvaise surprise à la livraison. » La soixantaine de producteurs-fournisseurs travaillant plus ou moins régulièrement avec Atypique est répartie dans toute la France. Seule exigence : avoir au moins 300 kg de marchandise à vendre.
Pour la Ferme d’Arnaud, qui produit des fruits et légumes diversifiés sur 70 ha dans les Hauts-de-France, la barre est aisément franchie. « On brasse 1 500 tonnes de produits hors norme par an », indique Arnaud Lespagnol, le chef d’exploitation. Atypique offre un débouché à certains d’entre eux, comme des pommes de terre de 75 mm ou des carottes tordues qui n’entrent pas dans les standards auxquels je m’engage envers mes clients. Sinon, ils partiraient à bas prix pour l’industrie ou l’alimentation du bétail. Avec Atypique, je fixe mon prix de façon à couvrir mes charges, tout en restant inférieur au prix des produits standards. »
Il nuance cependant le gain financier : « L’industriel ne paie pas cher mais achète un semi complet, ce qui coûte moins cher en emballage et en logistique. Pour moi, l’intérêt de travailler avec Atypique est surtout de toucher un autre public. Nous produisons des fruits et légumes méconnus : poire de terre, tomate litchee, carottes de couleur… Atypique les rend accessibles à un public qui n’en a habituellement pas les moyens. »
(1) https://atypique.eco. mail : contact@atypique.eco, tel : 06 62 07 59 24