L’histoire
Maria possédait une jolie villa, située en bordure de la mer dans le golfe de Saint-Florent, en Corse, où sa fille Adèle aimait y passer des vacances. Maria était décédée en 2017, laissant pour lui succéder ses trois enfants, Marius, Luc et Adèle. Lors du partage de la succession, des difficultés étaient survenues concernant le sort de la villa.
Le contentieux
Aussi, Adèle avait-elle assigné ses frères, cohéritiers, devant le tribunal judiciaire en ouverture des opérations de partage et de liquidation de la succession de Maria. Elle avait sollicité l’attribution préférentielle de la villa de Saint-Florent à laquelle elle tenait tant.
Elle s’était souvenue de ses études de droit et avait invoqué l’article 831-2,1° du code civil. Celui-ci permet à tout héritier copropriétaire de demander l’attribution préférentielle de la propriété ou du droit au bail du local qui lui sert effectivement d’habitation, s’il y avait sa résidence à l’époque du décès et du mobilier le garnissant. La jurisprudence précise que l’héritier doit établir que le bien a la qualité de résidence effective au jour du décès.
Pour Adèle, cette condition était remplie. Pour établir qu’elle résidait effectivement dans la villa lors du décès de sa mère, elle avait produit la copie de l’enveloppe d’une correspondance que lui avait envoyée son père à l’adresse de la villa, un justificatif de règlement de factures EDF sur la période de 2015 à 2017 et une attestation de la mairie confirmant son inscription sur les listes électorales de la commune depuis le 26 décembre 2014.
Selon Adèle, de tels documents étaient de nature à établir que la villa constituait sa résidence effective au jour du décès. L’attribution préférentielle de la maison devait lui être accordée. Mais Marius et Luc, qui souhaitaient un partage équitable des biens de la succession de leur mère et la mise en vente de la villa, s’étaient opposés à la demande de leur sœur. Pour eux, la villa constituait une simple résidence secondaire pour Adèle. Or, d’après la jurisprudence, pour permettre l’attribution préférentielle d’un local d’habitation, il faut que l’attributaire y ait sa résidence de manière continue avec le caractère d’habitude que suppose cette expression, et une résidence secondaire ne saurait présenter ce caractère.
Les juges avaient été convaincus par cette analyse. Adèle ne justifiait pas, au-delà d’une simple adresse, de sa résidence effective dans la villa. La Cour de cassation, saisie par Adèle, n’a pu qu’écarter le pourvoi.
L’épilogue
Dans le cadre des opérations de partage et de liquidation des biens de la succession de Maria, la villa pourra être mise en vente, au besoin sur adjudication, c’est-à-dire aux enchères. Tout au plus Adèle, très attachée à la maison, pourra-t-elle proposer de la racheter et se présenter, comme tout tiers, à l’adjudication. Mais il y a tout lieu de penser que le coût de l’opération sera supérieur au montant de la soulte qu’Adèle aurait eu à régler à ses frères si l’attribution préférentielle lui avait été accordée.