Après 10 mois de conflit sur le territoire ukrainien, le bilan de la campagne de 2022 est morose et 2023 s’annonce extrêmement difficile. C’est le constat unanime de quatre professionnels agricoles ukrainiens, agriculteurs ou responsables de coopératives. Ils intervenaient le 15 décembre 2022, lors d'un échange en visioconférence organisé par l’Association belge des journalistes agricoles.

D’après le gouvernement ukrainien, dans une estimation réalisée en août, la production de céréales et oléagineux devait atteindre 65 à 67 millions de tonnes en 2022. Mais à la mi-décembre, seules 66 % des surfaces agricoles avaient été récoltées, faute de moyens humains et matériels, d’après Joris Van Veen, directeur de la Fédération belge des négociants en céréales.

Les champs de maïs sous la neige

Dans l’est et le sud du pays, des zones particulièrement exposées aux bombardements, les fermes luttent pour limiter les dégâts : « De nombreux équipements agricoles ont été détruits ou volés par les Russes », témoigne Nick Gordiichuk, directeur général d'Agrico Ukraine, spécialiste des pommes de terre semences, à la tête de 600 hectares. « Ma ferme a été occupée et du matériel agricole a été emporté, précise le directeur. Heureusement, des employés ont caché des tracteurs. »

Il n’est pas le seul à se plaindre de vols des Russes, soupçonnés également d’avoir subtilisé 6 millions de tonnes de céréales, soit l’équivalent d’un milliard d’euros, selon Iurii Mykhaylov, économiste et journaliste agricole ukrainien.

Continuer le travail s'avère toujours très compliqué . « La population a fui les combats, les fermes manquent de main-d’œuvre. Nous sommes aussi confrontés à l’envolée des prix du carburant et à des coupures d’électricité. Seules les plus grosses exploitations sont équipées de générateurs, indispensables pour le séchage et le conditionnement », poursuit Nick Gordiichuk.

Faute de moyens, « 30 % du maïs restera dans les champs cet hiver, ce qui entraînera des problèmes de qualité, estime Iurii Mykhaylov. Et même si une partie sera récoltée au printemps, les producteurs auront-ils les moyens de le sécher avec la flambée du prix du gaz ? » Car les finances sont au plus bas : « Par manque de trésorerie, les agriculteurs vendaient leur blé autour de 105 €/t en août. Et ils auront du mal à renouveler leur matériel », ajoute Nick Gordiichuk.

Baisse des exportations

Selon le journaliste Iurii Mykhaylov et le négociant belge Joris Van Veen, il faudra s’attendre à un tiers de production en moins pour l’année à venir. Soit environ 17 millions de tonnes de blé au lieu des 25-30 millions produites en moyenne. Et donc des exportations en baisse : 50 % en moins pour le tournesol et 40 % en moins pour le blé. D’après les informations du journaliste, le pays compte exporter 40-45 millions de tonnes de céréales et d’oléagineux pour 2023.

Un tiers du territoire est touché par le conflit. Il faudra prévoir 10 ans pour dépolluer les sols et plusieurs dizaines de milliards d’euros pour tout reconstruire.