Le Gaec de la Pâturelle revient de loin. Lorsque leurs parents envisagent de prendre leur retraite, Rémi et Olivier Timmerman, 56 et 58 ans aujourd’hui, se sont longuement interrogés sur la reprise de la ferme de 100 ha et du troupeau de 100 charolaises à l’engraissement. « L’exploitation n’était plus viable, se remémore Olivier. Nous avons cherché différentes pistes et trouvé l’idée de faire revivre le Manicamp. »

Parcours d’installation

Ce fromage picard à pâte molle et à croûte lavée tire son nom d’un village voisin. Il a disparu dans les années 1960 quand les agriculteurs se sont spécialisés en lait. « C’était une idée un peu folle car nous n’avions pas de vaches laitières, pas de bâtiment, pas de fromagerie », sourit l’exploitant, qui travaillait à l’époque dans un centre de gestion à Laon. Une activité qu’il a poursuivie jusqu’en 2004, année de son installation.

Rémi et Carine, la femme d’Olivier, qui se sont installés en 1999, suivent une formation pour apprendre la fabrication de fromages. « Nous avons sollicité une attribution de quotas “vente directe” de 30 000 litres, détaille l’éleveur. La laiterie (Lactunion actuellement) nous a ensuite attribué 50 000 l de quotas laitiers. » Les exploitants montent alors petit à petit leur troupeau de race normande, construisent de nouveaux bâtiments et une fromagerie en bas du village.

Les premiers Manicamp sont vendus en 2004. Cette année-là, avec la mise aux normes obligatoire des bâtiments d’élevage, ils décident de transformer leurs droits à prime vaches allaitantes en quotas laitiers afin de se spécialiser. « Nous avons parié sur le lait malgré les contraintes, un peu à contre-courant de ce que faisaient les autres, concède Olivier. L’objectif était de pouvoir en vivre, l’atelier viande n’était pas assez rentable. Et nos terres argileuses de fond de vallée sont inondables et pas cultivables. »

Système extensif

Chaque associé est spécialisé : Rémi s’occupe des cultures et des foins, et en partie des animaux. Olivier s’occupe de la traite, de la gestion et des ventes sur les marchés, Carine, 52 ans, est fromagère. Les éleveurs tournent aujourd’hui avec un troupeau de 100 vaches laitières. En plus de la transformation du lait cru en fromages, ils bénéficient d’un contrat avec la laiterie, avec un volume maximal à produire de 413 000 litres.

Carine Timmerman s'occupe de la production du fromage picard Manicamp.Il est brossé deux fois par semaine pendant les huit semaines d'affinage. (©  Olivier Timmerman)

« Nous n’atteignons pas ce maximum car nous avons choisi un système non intensif, lâche Olivier. La production ne dépasse pas 5 000 à 5 500 litres de lait par vache. La race normande est moins productive en lait mais ce dernier est de meilleure qualité pour le fromage. Notre système fourrager est le plus herbager possible. Les vaches sont dehors jusqu’à Noël et ressortent au début de mars. Le maïs fourrage complète la ration d’enrubannage en hiver. » En 2007, les exploitants ont repris à leur oncle à quelques kilomètres, 55 ha de cultures afin de sécuriser leur approvisionnement en paille.

Nouvel élan

Les exploitants picards transforment aujourd’hui 170 000 litres de lait cru en différents types de fromages artisanaux. « Nous avons commencé par du fromage frais car c’était le plus facile à mettre en place, puis nous nous sommes diversifiés avec du fromage blanc et le Manicamp. »

En 2020, Olivier arrête son mandat de maire du village, ce qui lui libère du temps pour enclencher le travail de construction de la nouvelle fromagerie (lire l'encadré). Un projet qui leur a donné un nouvel élan. Carine met au point un nouveau fromage, le P’tit Quierzy, à croûte fleurie. Il peut être affiné dans la même cave que le Manicamp. Puis ils décident de créer la tomme du Champ Pinot pour compléter la gamme.

Un nouveau magasin à la ferme a été construit en 2023. Il est attenant à la nouvelle fromagerie. (©  Isabelle Escoffier)

Dernier projet en date : fabriquer des tartes au fromage. « Nous faisons le choix de poursuivre notre diversification avec le fromage. C’est plus compliqué mais apporte davantage de valeur ajoutée », assure l’éleveur.