Les avantages d’une installation en société ne sont plus à démontrer (partage des responsabilités, du travail…). En contrepartie, il faut rendre des comptes, travailler en partenariat, négocier. Mieux vaut, pour celui qui s’installe et celui qui accueille, que l’entrée dans la société soit précédée d’une phase de test réciproque. Ce n’est pas à celui qui arrive, pour remplacer un associé qui part, de se plier aux exigences de celui qui reste. Il s’agit d’un projet d’entreprise qu’il faut concevoir avec les compétences et les attentes de chacun.

La Fédération des Gaec de Haute-Savoie a mis en place, depuis 1991, un accompagnement spécifique pour cette phase, dite « période d’essai » comme dans un contrat de travail. Plusieurs statuts juridiques peuvent être utilisés (voir l’infographie ci-contre). Gaec & Sociétés travaille avec le ministère de l’Agriculture sur un statut plus adapté.

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En tant qu’entrepreneur

Cette étape doit être consacrée à interroger de nouveau les associés présents et futurs sur le sens de l’entreprise. Partagent-ils les mêmes valeurs à propos de l’agriculture, de l’argent, du dévouement au travail, des relations aux autres, de la qualité des produits ? À partir de ces critères, le groupe va construire un projet d’entreprise commun, puis en étudier la faisabilité technique et économique. Il faudra probablement faire des concessions, « mieux vaut qu’elles le soient en toute sérénité, sans amertume en amont, quand chacun se sent encore libre de refuser l’association », conseille Blandine Daval-Pommier, chargée de mission « relations humaines » à la chambre interdépartementale d’agricultureSavoie Mont-Blanc.

Devenir associé signifie acquérir une certaine autonomie. Pour les exploitants présents, cela nécessite de « faire de la place » et non de « donner à faire ». Ils doivent tenir compte de la vision de l’entrant et pas uniquement lui donner la parole. Lui faire confiance et ne pas tout contrôler. La légitimité de ce dernier ne sera acceptée par les salariés, les fournisseurs ou les clients que dans la reconnaissance de son leadership.

En situation de stress

Ce test mené sur un cycle complet de production est nécessaire pour se connaître dans différentes circonstances, notamment lors de périodes de stress : moisson, mise bas… Une durée suffisamment longue permet à chaque personnalité de s’exprimer sous son meilleur et plus mauvais jour.

En équipe

Du temps est nécessaire pour « rebalayer » le fonctionnement et l’organisation de l’exploitation. La bonne place de chacun est celle où il va pouvoir exprimer son potentiel. « Tester c’est essayer, puis analyser et corriger », avertit Blandine Daval-Pommier.

Être accompagnés

Un tiers impartial

En l’absence d’un accompagnement spécifique, les associés sont focalisés sur les aspects techniques et économiques du dossier d’installation ou de regroupement. Ils occultent les signes relationnels de dysfonctionnement. « En général, des personnes qui ne se connaissent pas comprennent, au bout de trois mois, si elles peuvent faire équipe ou pas. Pour celles qui se connaissent, c’est plus long. Elles font davantage d’efforts dans la relation et dissimulent ce qu’elles ressentent. Il faut plus de temps pour faire ressortir les différents enjeux », constate Blandine Daval-Pommier.

Un tiers impartial, chargé d’aider le groupe, permet à chacun d’aborder tous les sujets. Il facilite la parole au sein de l’équipe, fait exprimer les ressentis, clarifie les points d’accord et de divergence, aide les différents acteurs dans leur ajustement et dans leur choix, sans jamais décider à leur place. Renoncer finalement à s’associer pendant ou à l’issue de cette période-test n’est pas un échec, mais une expérience qui donnera à chacun la possibilité de mieux formuler ses attentes et limites. C’est du temps gagné sur les prochaines tentatives. Gaia campguilhem

Retrouvez dans La France agricole n° 3796, du 19 avril 2019, un cas de gestion consacré aux espaces-tests.