Les gousses noires tout juste sorties de leur caisse en bois dégagent le parfum si reconnaissable de la vanille. « C’est notre toute première récolte de vanille qui arrive en commercialisation », s’enthousiasme Pierre Guyomar, également producteur de tomates sur 53 000 m² de serres à Camlez (Côtes-d’Armor).
En 2019, avec deux autres producteurs et Prince de Bretagne (1), ils se sont lancé un défi un peu fou : faire pousser de la vanille en Bretagne. « Nous avions chacun une ancienne serre à tomates. Il nous fallait soit investir pour poursuivre en tomates, soit démolir. Toujours à la recherche de diversification, nous avons songé à la vanille », raconte le producteur. Des essais sont aussi menés à la station expérimentale Terres d’essais à Pleumeur-Gautier (Cerafel).
Sur l’île de la Réunion, ils ont récupéré des plants in vitro pour éviter toutes maladies. Le choix s’est porté sur la variété Planifolia pour ses caractéristiques organoleptiques avec un taux de vanilline élevé. Le vanillier est une plante de sous-bois qui n’aime ni les excès de température, ni les excès de lumière. « La Bretagne est finalement une terre propice à sa culture », sourit Pierre. Il a planté près de 5 000 plants dans sa serre à raison de 1 plant par m². Les lianes se sont développées dans une atmosphère autour de 20°C et 75 à 80 % d’humidité, assurée grâce à la brumisation.
Après trois ans, les plants suffisamment robustes ont été mis en production. « Durant l’hiver, nous stressons la plante en arrêtant le chauffage et l’irrigation pour provoquer la floraison », indique le producteur.
Geste technique
La pollinisation est une étape cruciale, car la fleur est très fragile. Elle doit être réalisée à la main le jour où elle éclôt, fleur par fleur. C’est un geste technique auquel se sont vite formés le producteur de tomates et son équipe. « Cela nous occupe sept jours sur sept durant deux mois à raison de quatorze personnes. » Une fois fécondée, la gousse va s’allonger. Les gousses mûrissent ainsi pendant neuf mois. Il faut savoir être patient, car la vanilline se concentre dans la gousse le dernier mois.

Chaque plant produit 150 à 200 gousses. Et cela pendant dix à douze ans. Elles sont récoltées vertes, échaudées (65°C pendant trois minutes).
Elles macèrent quelque temps dans un drap de coton, puis sont mises en claies dans un séchoir pendant deux mois et triées régulièrement. La dernière étape est la maturation, dans une malle en bois où les bâtons sont surveillés régulièrement pour éviter les moisissures, puis calibrés et mis en botte.
Il faut plus de dix-huit mois entre la pollinisation et la commercialisation. La première récolte de Pierre et ses collègues est commercialisée depuis décembre 2024 (de 350 à 400 kg de gousses noires). Le produit est vendu sous la marque « Vanille de Bretagne ». Il s’agit d’une niche. Elle est destinée aux pâtissiers, restaurateurs ou encore aux épiceries fines (9 € l’étui de 1 gousse).
(1) Marque collective des producteurs de fruits et de légumes du nord de la Bretagne regroupés en trois coopératives (Sica de Saint-Pol, Les Maraîchers d’Armor et Terres de Saint-Malo).