Redomestiquer des plantes sauvages. Appelée domestication « de novo », cette stratégie consiste à partir d’une plante sauvage pour obtenir une plante cultivable en champ, sans passer par les longs processus de domestication. Cette approche est rendue possible depuis quelques années par le développement des outils d’édition du génome comme Crispr-Cas9, surnommé les ciseaux moléculaires. L’idée est d’introduire, dans les variétés sauvages, des gènes de domestication identifiés chez des espèces cultivées proches. Cette démarche permet de retrouver de la diversité. Au fur et à mesure des processus de domestication et de sélection, la diversité génétique de certaines espèces a en effet été fortement réduite : si le maïs a gardé 84 % de la diversité de son ancêtre sauvage, la tomate n’en a par exemple plus que 38 %.
Un fort potentiel
« Il y a encore des aspects à améliorer, mais le potentiel est intéressant », estime Fabien Nogué, directeur de recherches à l'Inrae et membre de l’Institut Jean-Pierre Bourgin, qui suit les avancées dans ce domaine depuis les premières publications scientifiques en 2017. Il faut une plante sauvage de départ. Or, ce qui existe en milieu naturel n’est pas toujours bien connu des sélectionneurs. Il est également nécessaire de connaître son génome, ainsi que les gènes dit de la domestication (productivité, taille du fruit...). C’est le cas par exemple pour la tomate, mais les informations ne sont pas disponibles pour toutes les espèces. Et enfin, il faut un système d’édition du génome très efficace, qui fonctionne sur plusieurs gènes à la fois. Plusieurs travaux de différentes équipes de recherche, notamment en Chine et aux États-Unis, ont démontré la faisabilité de la domestication « de novo ». Notamment pour des tomates sauvages, ou encore chez le riz sauvage Oryza alta.
Garde-fous nécessaires
« Un autre aspect, souvent peu mentionné, doit être pris en compte. Il s’agit des potentielles molécules anti-nutritionnelles ou toxiques présentes chez les espèces sauvages qui auraient été éliminées lors des longs processus de domestication depuis le Néolithique. S’y intéresser est une étape nécessaire avant une mise sur le marché », met en garde Fabien Nogué.
Si ces précautions sont bien suivies, et c’est ce qui est fait normalement par les sélectionneurs, cette nouvelle stratégie de sélection végétale est pertinente sur plusieurs aspects. Grâce à la récupération de la diversité génétique, elle permet d’obtenir des plantes plus résistantes à des stress biotiques (champignons, bactéries, insectes ravageurs...) ou abiotiques (sécheresse, salinité…). Mais un autre intérêt est de retrouver des voies de dialogue, par exemple entre les plantes et le microbiotes. « Certaines symbioses ont probablement été contre-sélectionnées. La domestication “de novo” peut nous aider dans la transition vers l’agroécologie », estime Fabien Nogué. Pour restaurer des caractères qui ne sont pas travaillés en sélection classique.