À l'heure où de nombreux contrats d'électricité arrivent à échéance, la filière des fruits et légumes s'alarme face à la hausse des prix de l'énergie. « Un quart à un tiers des entreprises est en alerte rouge et est menacé de disparaître », a estimé Laurent Grandin, président d’Interfel, le 22 septembre 2022 lors d'un point avec la presse.
Dans un contexte de baisse du pouvoir d'achat notamment, la filière ne conçoit pas de pouvoir répercuter cette hausse sur le prix des produits. Plusieurs acteurs ont témoigné.
« La boule au ventre »
Philippe Brehon, producteurs d'endives dans les Hauts-de-France et coprésident de l'Union des endiviers, témoigne. « J'ai payé 80 000 euros d'électricité en 2021, et environ 210 000 € en 2022 après intervention de l'état. Les propositions de contrats EDF qui m'arrivent se chiffrent à 700 000 € - 800 000 € dans le cas d'un engagement sur trois ans, et à plus d'un million d'euros si je ne m'engage que sur un an. Je ne peux pas signer de tels contrats. J'en suis même arrivé à acheter un groupe électrogène pour répondre aux coupures si on en a, et pour faire tourner mon entreprise à l'énergie fossile – un non-sens total – si je n'arrive pas à signer un contrat digne de ce nom chez EDF. »
« J'ai régulièrement au téléphone des arboriculteurs qui sont parmi les meilleurs du pays, et qui aujourd'hui sont en burn-out », a indiqué Daniel Sauvaitre, producteur de pommes et président de l'Association nationale pommes poires (ANPP). « Pour le quart des vergers, qui doivent renouveler leurs contrats d'électricité d'ici à la fin de l'année, les hausses du prix sont faramineuses. Ils ont la boule au ventre. » Il relève des propositions de contrats autour de 500 €/MWh, contre 50 €/MWh à 80 €/MWh habituellement. « Pris de panique, quelques producteurs ont signé à 800 €/MWh », a-t-il indiqué, soulignant un risque important de dépôt de bilan ou de cessation d'activité.
De 49 €/MWh à 1 500 €/MWh
Jacques Rouchaussé, président de Légumes de France, a indiqué recevoir tous les jours les inquiétudes des producteurs de fruits et légumes sous serre (fraises, concombres, tomates, poivrons, aubergines...). Il cite un exemple « très flagrant » d'un producteur expliquant dépenser habituellement 40 000 €/an d'électricité, à 49 €/MWh. « Son contrat arrive à échéance à la fin du mois d'octobre. Pour 2023, on lui propose 1 500 €/MWh, soit trente fois plus : il passerait à 1,2 million d'euros de charges d'électricité. »
Demandes aux pouvoirs publics
Interfel plaide pour la mise en place d'un dispositif d'aides spécifiques aux fruits et légumes du fait de leurs particularités par rapport à d'autres secteurs d'activité : enjeu de santé publique, produits périssables. Un dossier collectif a été porté au ministère dans le but d'obtenir un accord-cadre qui s'appliquerait sur les produits périssables, analysant produit par produit les plus impactés. Plusieurs demandes sont formulées :
- La mise en place d'un bouclier tarifaire. « La filière est prête à prendre en charge elle-même les hausses jusqu'au doublement du prix de l'électricité, indique Laurent Grandin. Au-delà, nous demandons une prise en charge par les pouvoirs publics de 70 % des coûts supplémentaires. » Pour accéder à cette mesure, Interfel demande un critère de chiffre d’affaires différent de celui de l'industrie (1).
- Le fait de ne pas être concernés par d'éventuelles coupures. Il semblerait que la filière ne soit pas dans le périmètre, mais elle attend une confirmation écrite, a indiqué Laurent Grandin.
Ces mesures auraient une portée annuelle, mais une clause de revoyure permettra de les examiner pour les années suivantes.
(1) Les entreprises dont les charges liées à l'électricité représentent au moins 3% du chiffre d’affaires sont éligibles à une aide gouvernementale. Interfel demande un seuil à 2% pour les exploitations produisant des fruits et légumes.