Acheter l’assurance d’avoir des céréales « saines » plutôt que des fongicides : c’est l’idée de plusieurs offres qui ont été testées à grande échelle durant la campagne de 2024-2025 en France, notamment par Soufflet et Océalia. Les deux organismes stockeurs se sont tournés vers le modèle Xarvio Healthy Fields de BASF. Bayer propose également une approche similaire avec Prediview.
Garantie de résultat
Le principe est simple : les agriculteurs souscrivent annuellement à un programme à l’hectare de céréales, qui garantit l’état sanitaire des parcelles (80 % de feuilles et d’épis sains en juin pour les programmes de Soufflet et Océalia). Il s’agit d’un engagement à coût fixe, quelle que soit la pression maladie et les aléas climatiques. Le programme Greenleaf, porté par Soufflet, se positionne par exemple sur une fourchette allant de 90 €/ha à 110 €/ha. Un prix « à mettre au regard des pratiques habituelles », estime Alexandre Hallier, en charge de l’activité de protection des plantes chez Soufflet. De manière générale, le coût de la protection fongique pour un agriculteur chez Soufflet s’échelonne de 60 à 130 €/ha.
Un outil d’aide à la décision (OAD), complété par un suivi des cultures des entreprises partenaires, indique aux agriculteurs quand appliquer des fongicides ou non. Les produits sont fournis aux producteurs, qui sont, eux, tenus de traiter les parcelles. En cas d’échec, une indemnisation est prévue pour les agriculteurs. Elle va jusqu’à 150 €/ha chez Océalia ; de 180 à 300 €/ha chez Soufflet en fonction du niveau d’échec. « C’est une nouvelle logique économique, avec un service clé en main et des résultats garantis », souligne Nicolas Orjubin, responsable régional chez Xarvio Healthy Field.
Sécuriser le revenu à l’hectare
Tous ces programmes relèvent de « l’économie de la fonctionnalité ». Il s’agit d’un modèle économique qui consiste à vendre la performance d’un produit plutôt que le produit lui-même. C’est un concept déjà bien installé dans l’industrie, à l’image de Michelin qui vend des kilomètres parcourus plutôt que des pneus. Mais dans le secteur agricole, il s’installe tout juste. « La France est le premier pays du monde à lancer ce type de concept en agriculture », indique Alexandre Hallier.
« C’est une petite révolution dans le monde de la distribution agricole », soulignent les représentants d’Océalia comme ceux de BASF. Cela répond à « une forte attente du terrain : sécuriser le revenu à l’hectare et simplifier la gestion des produits, tout en apportant de l’efficacité technique », explique Jérôme Métivier, chef de marché pour les fongicides chez Bayer.
Réduction des phytos
Ces offres permettent de réduire l’application des fongicides, avec un risque partagé entre producteurs et structures partenaires. « Réduire les passages est une décision difficile à prendre seul, souligne Kévin Larrue, directeur de la stratégie et de l'innovation chez Océalia. Là, l’adhérent est sécurisé. Il peut suivre les préconisations de l’OAD sans stress. Cela allège sa charge mentale. » Chez Soufflet, « Greenleaf a déclenché un traitement pour le T1 sur 4,1 % des parcelles, contre plus de 50 % en systèmes dits conventionnels : c’est plus de dix fois moins », chiffre Xavier Basson, agent dans la relation cultures chez Soufflet dans la Marne.
Le programme de l’entreprise a été déployé sur 3 000 ha de blé tendre et d’orge, celui d’Océalia sur 11 000 ha des mêmes céréales. « Les agriculteurs ont été très réceptifs à la proposition puisque nous avons dépassé nos objectifs », indique Océalia. Même son de cloche chez Bayer, qui a couvert 10 300 ha de blé avec son programme : un chiffre « bien au-delà » de leurs prévisions. Et tous ces opérateurs visent une nette montée en puissance l’année prochaine.