1 - Maîtriser son projet économique
« La première chose avant d’aller voir une banque, c’est de maîtriser son projet, recommande Amandine Maillard, conseillère en gestion agricole et enseignante. « Être producteur, ça ne suffit plus pour être agriculteur, il faut avoir le vocabulaire juridique, social et fiscal. L’interlocuteur a besoin de sentir qu’en face se tient un entrepreneur ». Cela permet d’éviter « de griller sa cartouche », ajoute Élodie Vambre, expert-comptable dans les Hauts-de-France. « Si la banque refuse une première fois, c’est très difficile de revenir après », prévient-elle. « Il faut bien s’approprier ses chiffres » pour ne pas risquer de rester coi devant le conseiller qui peut challenger le projet.
Et pour bien maîtriser les chiffres, il est parfois nécessaire de se faire aider. « S’entourer, c’est très important ! Parfois, on signe des contrats de prêts mais on ne sait pas vraiment ce qu’on signe. Il faut être sûr car cela peut être vraiment engageant ! » avertit Amandine Maillard. L’agriculteur peut avoir recours aux organismes classiques (comptable, juriste, conseiller de chambre d’agriculture…) pour travailler son projet. Les petits budgets peuvent se faire accompagner par une Afocg, une association promouvant la maîtrise de la gestion et de la comptabilité par les agriculteurs.
Sur le prévisionnel économique, il ne faut pas hésiter à fournir de nombreux documents qui rassurent les banques sur le sérieux du projet : comparaison de devis pour un nouveau bâtiment, contrats de vente pour un atelier de transformation… « C’est très important d’être vraiment actif et impliqué dans la construction du prévisionnel pour comprendre, conseille Benjamin Roudière, gérant d’Agricourtage, spécialisé en financements agricoles. Cela permet aussi d’être plus judicieux dans les choix d’investissement. »
2 - Ne pas négliger l’humain
Parmi les critères primordiaux évalués par les banques pour accorder un prêt, les aspects humains arrivent en haut de la liste, avec les compétences du porteur de projet et sa capacité à être chef d’entreprise. Pour un rendez-vous réussi à la banque, il faut y venir « comme à un entretien d’embauche », explique Amandine Maillard, qui propose d’apporter son CV. « On n’attend pas le costard cravate, mais un effort vestimentaire, ça va compter », ajoute-t-elle. L’expérience du porteur de projet joue aussi dans la balance pour l’accord du prêt. « Il faut un lien entre l’expérience professionnelle et le projet qu’on présente. Si on s’installe en ovins, il faut avoir une expérience dans cette production », illustre Amandine Maillard.
Trouver une banque qui accepte le projet ne suffit pas toujours, Amandine Maillard recommande de faire attention à bien s’entendre avec son conseiller bancaire. « Si vous avez besoin de quelque chose et qu’il ne vous rappelle jamais, c’est problématique », illustre-t-elle. « Il faut que le courant passe », appuie Benjamin Roudière.
3 - Travailler son plan de financement
« La demande de financement auprès de la banque vient boucler le processus de réflexion du projet. Il faut avoir préparé son dossier, connaître les points forts et les points faibles de son projet et arriver avec des propositions », conseille Benjamin Roudière. Parfois, il faudra différer un investissement — fonctionner dans un premier temps en Cuma pour le matériel par exemple, ou aller chercher un financement extérieur. « Ce n’est pas parce que le prévisionnel est validé par le comptable, que les financements vont être accordés par la banque. Il faut que le montage financier colle bien au prévisionnel », relève Benjamin Roudière.
« Plus l’exploitant va avoir de sources de financement diverses et variées (investisseurs, prêt d’honneur, subvention, aide de la coopérative…), plus la banque va être rassurée », observe Élodie Vambre. Le risque est partagé. D’autant qu’il « n’y a pas que le financier, ajoute Amandine Maillard. S’il y a déjà une partie du projet qui est financé, cela implique que vous êtes investi dans votre projet. »
4 - Prévoir et anticiper les demandes de garanties
Souvent, la question des garanties fait partie des points qui sont abordés une fois l’accord de financement donné. Le plus simple étant de mettre en place, quand cela est possible, une garantie réelle, comme une hypothèque, un nantissement. « L’idéal est d’éviter de donner une caution, car c’est un engagement personnel. Les garanties réelles ont un coût supplémentaire, en cas de défaut de paiement, la banque peut procéder à la saisie puis à la vente du bien », conseille Benjamin Roudière. Le courtier recommande, là encore, d’avoir réfléchi en amont et d’arriver avec des propositions.
Pour certains encours difficilement garantissables (fonds de roulement, stocks…), il est possible d’aller chercher des organismes de garanties privées, comme les garanties Siagi ou Inaf. « Il faut l’anticiper en amont car le montage de ce type de dossier prend du temps », souligne Benjamin Roudière.
5 - Avoir de l’apport et bien l’utiliser
Le fait d’avoir un apport personnel suffisant fait partie des critères qui rassureront la banque. La manière dont il sera utilisé est aussi importante. « La banque préférera que les frais d’acquisition (notaire, Safer, agence) soient financés par un apport, car elle ne peut pas prendre de garanties sur ces montants », explique Benjamin Roudière.
Il est parfois préférable d’utiliser l’apport pour financer des biens professionnels plutôt que la maison d’habitation, par exemple. « Cela permet de réduire le niveau d’annuités global – à la fois professionnel et personnel — car la maison est souvent financée sur une période plus longue que les biens professionnels et les taux emprunts privés sont généralement plus intéressants », illustre Benjamin Roudière.
Dans le cas d’un porteur de projet en capacité d’avoir un apport conséquent, il n’est pas forcément judicieux d’apporter la somme globale. Il peut être intéressant de garder de la trésorerie disponible en cas d’imprévu. Il faut bien raisonner l’utilisation de son apport.
6 - Faire jouer la concurrence/850s
« Il est toujours intéressant de se confronter à plusieurs banques », assure Benjamin Roudière, qui conseille de déposer des demandes de financement auprès de plusieurs banques. Toutes n’ont pas les mêmes critères d’appréciation des dossiers. « Selon les critères d’analyse et les politiques de crédit de chacune, une même demande de financement ne sera pas forcément acceptée par toutes. Et, si plusieurs décident de vous accompagner, vos marges de négociation seront plus importantes », confie le courtier. Une fois l’accord obtenu, c’est la négociation des conditions de crédit qui s’ouvre, telles que le taux, les garanties, l’assurance du prêt ou les frais de dossier. « En fonction de la politique de crédit de la banque, chaque conseiller va pouvoir proposer un montage différent pour le plan de financement », ajoute Benjamin Roudière.