Grâce à la hausse des prix des denrées agricoles sur les marchés internationaux, 2021 s’annonçait radieuse pour les exportations argentines. « Historiquement, l’Argentine exporte environ 25 milliards de dollars en céréales et oléagineux par an, estime Gustavo Idígoras, président de la Chambre des exportateurs de céréales. Cette année, les prévisions sont de 35 milliards. »

 

Si l’impact du manque de précipitations sur la production a été compensé par les prix élevés, une ombre au tableau persiste : la baisse du niveau du fleuve Paraná depuis juillet 2019. Dans le port de la ville de Rosario, d’où partent 80 % des exportations agricoles, la profondeur du fleuve est actuellement inférieure à un mètre, contre d’ordinaire plus de trois mètres.

La navigation entravée

Ce phénomène, extraordinaire par sa durée de bientôt deux ans, affecte la navigation sur le fleuve. « Les bateaux ne peuvent plus recevoir l’intégralité de leur chargement à Rosario, explique Juan José Neiff, chercheur en ressources hydriques au Conseil national de la recherche scientifique et technique. Ils doivent terminer de remplir leurs cales dans d’autres ports, comme celui de Bahía Blanca », à plus de 700 kilomètres, sur la côte Atlantique.

 

L’an dernier, l’impact sur les exportations de céréales et oléagineux se chiffrait à 350 millions de dollars. Selon Gustavo Idígoras, « il est très probable qu’il soit plus élevé cette année, car le problème a pris de l’ampleur ». Les producteurs du Gran Chaco, région à cheval sur l’Argentine et le Paraguay, voient quant à eux leurs coûts logis­tiques augmenter en raison du transport en camion sur de plus longues distances ou de l’attente pour charger leur production.

Des conséquences multiples

Les conséquences de la baisse du niveau du fleuve sur l’agriculture ne s’arrêtent pas là. « Il y a beaucoup d’élevages sur les îles du Paraná et les péniches ne peuvent plus y accéder », compliquant le travail des éleveurs, souligne Pablo Mercuri, directeur de recherche à l’Institut national de technologie agricole.

 

« De plus, dans les zones proches du fleuve, le niveau des nappes phréatiques a considérablement baissé », et les modifications de la faune et de la flore diminuent les services écosystémiques pouvant être rendus aux agriculteurs. Il observe aussi que les années de baisse du niveau du Paraná sont souvent des périodes propices aux départs de feu. L’an dernier, des incendies spectaculaires ont ravagé les rives de février à août.

 

« Les baisses du niveau sont des phénomènes très complexes, qui ont des conséquences sociales, économiques et écologiques que nous avons parfois du mal à anticiper », admet Juan José Neiff. Pour limiter les dégâts, les exportateurs comptent sur le dragage et les réserves d’eau des pays voisins. Des mesures qui ne permettront toutefois pas de résoudre le problème de fond.

Laura Hendrikx