Dans la vallée sacrée des Incas, les terrasses se superposent de façon vertigineuse sur les flancs de la cordillère des Andes. Les paysans y cultivent depuis plus de 8 000 ans la « papa », la pomme de terre, originaire du Pérou. Il existe 4 000 variétés de ce tubercule sud-américain qui fut introduit en Europe au XVIe siècle. À l’époque, pour le peuple du soleil, celui-ci valait bien plus que cet or si convoité par les conquistadors espagnols.

Perché à 3 500 mètres d’altitude, le site de Moray servait de centre de recherche agronomique aux incas, au milieu d’un décor grandiose. Des plates-formes circulaires permettaient de simuler une vingtaine de microclimats : les températures pouvaient varier de 15 degrés entre le bas et le haut de ces amphithéâtres à ciel ouvert, tout en jouant sur l’exposition au vent et au soleil. Le système d’irrigation était, lui, adapté́ aux solstices et aux équinoxes. De là, les rendements étaient anticipés pour tout l’empire qui s’étirait du Chili à l’Équateur actuels, entre l’océan Pacifique et la forêt amazonienne, du XIIIe au XVIe siècle.

Près de Pisaq, le parc de la pomme de terre (parque de la Papa) se consacre à la préservation des variétés indigènes, géré par cinq communautés quechuas. Les Incas avaient développé des techniques de stockage et de conservation, dont le « chuno », un processus de gel, dégel et écrasement. Devenue noire par oxydation, la patate déshydratée redevient blanche après lavage.

Ces terrasses façonnent toujours le paysage de cette vallée sacrée qui mène au Machu Picchu, la mythique cité inca érigée vers 1440. Elles étaient encore utilisées lorsque l’archéologue américain Hiram Bingham découvrit en 1911 ce site enfoui sous la jungle. Désormais, l’ancien quartier agricole fait partie de la carte postale. Seuls les lamas s’y promènent, sous les yeux des touristes. La « papa » reste cultivée dans des champs sur le plateau montagneux, auprès du maïs ou du quinoa, d’autres aliments savamment maîtrisés par les Incas et les civilisations précolombiennes.