Sur les bords du Nil, le dernier crocodile a disparu en 1983. Et si l’on n’en parle plus, comme dit la comptine, il arrive que des croisiéristes scrutent au loin le fameux reptile. Les baigneurs se font rares sur le fleuve-roi dont les courants interrogent les plus vaillants. Depuis les felouques à voile blanche, les flâneuses et bateaux-voyageurs, on s’adonne surtout à regarder le quotidien des familles égyptiennes qui se joue sur les rives sablonneuses. Sur le Nil, le temps s’immobilise. Sur ses berges où vivent 96 % de la population du pays regroupée sur 5 % du territoire, tout s’active.
Quand Agatha Christie débarque en 1933 au pays des Pharaons, elle est aussitôt inspirée par cette effervescence. La globe-trotteuse qui a appris à nager à Dinard et à surfer en Afrique du Sud, l’observe toutefois depuis son balcon du Old Cataract, à Assouan. Ce prestigieux hôtel, construit en 1899 face à l’île Éléphantine, a vu passer quelques hôtes célèbres, notamment les chefs d’État français depuis les années 1980. Sur sa terrasse aux arcades mauresques, on se bouscule, sans se croiser, pour prendre le thé au coucher du soleil. Agatha Christie y commence en 1933 l’écriture de son roman « Mort sur Le Nil ».

Cette même année, la romancière embarque à bord du Steam Ship Sudan, le plus vieux des bateaux à vapeur toujours en circulation. Escalier d’acajou, robinetterie en laiton et téléphone à cadran, son décor n’a pas changé. Les abords n’ont guère plus évolué. De part et d’autre du Nil domestiqué depuis 1970 par le barrage d’Assouan, les paysans font pousser sur un cordon d’à peine un kilomètre de large, du maïs, du riz, de l’orge, de la canne à sucre, des bananiers, des dattiers et des légumes.
D’Assouan à Louxor, le parcours le plus prisé des visiteurs est aussi jalonné de sites antiques. Du temple de Philae consacré à la déesse Isis jusqu’à celui du Louxor voué au culte du puissant dieu Amon, en passant par l’ensemble sacré de Karnak sur la rive est, et les tombes de la vallée des Rois côté ouest, la croisière satisfait autant les voyageurs peu mobiles que les nomades confirmés.