FranceAgriMer avait révélé son analyse de la souveraineté de la France en matière agricole et alimentaire lors du Salon de l’agriculture. Agriculture Stratégies vient à son tour de publier un rapport sur la question, mais cette fois pour l’Union européenne. L’occasion d’observer que la situation à l’échelle des 27 est plus favorable.
La Pologne compense en volailles
La décapitalisation du cheptel bovin ne s’arrête pas aux frontières françaises. Dans ce contexte, l’Europe parvient toutefois à ne pas s’enfoncer vers l’importation (5 % de sa consommation) au contraire de la France (25,6 %), grâce notamment à la légère baisse de la consommation. La même baisse de consommation est observée en porc mais la production excédentaire de l’Union est absorbée en partie par l’exportation vers la Chine.
Agriculture Stratégies note en revanche une progression de la consommation de viande de volaille. Pour autant, l’Union européenne réduit ses importations grâce à l’augmentation de la production avicole dans des pays comme la Pologne ces dernières années. Une situation bien différente à l’échelle de la France qui continue de voir ses importations progresser.
La souveraineté alimentaire de la France décryptée (08/03/2023)
Des inquiétudes pour la filière ovine
Davantage d’inquiétudes sont cependant à prévoir en ovin. Non seulement l’Europe ne couvre pas ses besoins, avec une production en baisse, mais l’avenir pourrait être encore plus sombre. Pourquoi ? À cause de « l’application des nouveaux accords de libre-échange en cours de signature ou de discussion avec l’Océanie, qui prévoit l’ouverture de nouveaux contingents de viande ovine », note le rapport.
Toujours avec une décapitalisation du cheptel en toile de fond, la situation sur le front des produits laitiers semble plus robuste. La consommation de l’Union européenne est bien couverte par la production dont une partie importante part à l’exportation. La principale destination mérite toutefois vigilance, d’après Agriculture Stratégies. « Le premier partenaire pour les poudres et le beurre est de loin la Chine, un partenaire commercial difficile à gérer car son comportement d’achat est assez imprévisible. »
Une baisse de production pourrait de plus faire apparaître un autre écueil pour la filière. Car si la production de poudre de lait écrémé peut a priori baisser vu les excédents européens, ce ne serait pas sans conséquences. « La réduction de poudre de lait écrémé s’accompagnera d’une réduction de la disponibilité en matières grasses, dont la production actuelle au regard de la consommation est proche de l’équilibre. »
Les oléagineux, parents pauvres de l’Union européenne
Le groupe de réflexion rappelle la situation confortable de l’Union européenne quant à son autosuffisance en orge et blé avec un autoapprovisionnement dépassant les 120 %. Il pointe sans surprise ses faiblesses en oléagineux calculant que « la production ne couvre que 58 % de la consommation européenne ». Un coupable ressort néanmoins. « C’est l’insuffisance bien connue de la production de soja qui explique ce mauvais ratio : son taux d’autoapprovisionnement n’est que de 15 % », relève le rapport. Un rebond s’amorce pourtant en Europe avec une production qui a quasi triplé en une dizaine d’années accompagnée d’une baisse des importations, est-il précisé.
Sur la graine de soja encore, Agriculture Stratégies indique que certains chiffres doivent être analysés au regard de la situation industrielle. Ainsi, la France est dans une position légèrement plus favorable que l’Europe en termes de taux d’autoapprovisionnement (48 % contre 43 %), mais cela s’explique par le faible nombre d’unités de trituration présentes dans l’Hexagone, qui réduit le besoin en graine.
Dans le même temps, la France ne produit que 13 % de son tourteau de soja quand l’Union européenne parvient à atteindre les 43 %. Si on considère cette fois l’ensemble des tourteaux, là encore la France (41 % d’autoapprovisionnement) n’est pas aussi bien lotie que l’Union européenne (63 %). Même si cette dernière y parvient au prix d’une hausse des importations en graines oléagineuses, souligne Agriculture Stratégies.
Quelques avertissements
Si l’Union européenne assure son autoapprovisionnement pour la plupart des produits agricoles, le groupe de réflexion avertit que cette situation n’est pas gravée dans le marbre. « L’atteinte des objectifs déclinés au travers du Green Deal et de la stratégie Farm to Fork risque d’avoir un impact sur les niveaux actuels de production de l’Union européenne », s’inquiète Agriculture Stratégies.
Autre point de vigilance soulevé dans le rapport, le risque de disparités entre les membres de l’Union européenne, si le prochain règlement SUR, sur les produits phytosanitaires, n’est pas appliqué partout pareil. « Si chaque État membre priorise à sa guise la réduction des pesticides sur les secteurs, les cultures et les régions de son choix, la nécessaire uniformisation des pratiques au sein de l’espace européen ne pourra être acquise. »