La droite et l’extrême droite ont échoué jeudi 15 juin 2023 à faire rejeter en commission au Parlement européen un texte de loi visant à restaurer les écosystèmes dans l’Union européenne, un sujet qui exacerbe les passions.

Rejet d’un amendement de la droite opposée au texte

Ce texte, proposé en juin 2022 par la Commission, fixe des objectifs de restauration des terres et espaces marins endommagés et s’inscrit dans le pacte vert de l’Union européenne pour le climat.

Après avoir participé aux négociations, le Parti populaire européen (PPE, droite), première force politique du Parlement, en a claqué la porte. Il exige désormais le retrait pur et simple d’un texte qui à ses yeux nuit à l’agriculture, la pêche et la sylviculture.

Les défenseurs du texte jugent cette opposition opportuniste, à un an des élections européennes. Jeudi, un amendement déposé par la droite et soutenu par l’extrême droite pour rejeter le texte n’a pas obtenu de majorité en commission environnement, mais ce vote illustre les profondes divisions : 44 voix pour, 44 contre, aucune abstention.

Après plus de trois heures de votes très serrés, la session n’a pu aller à son terme et les travaux de cette commission reprendront le 27 juin. Le texte sera ensuite présenté au vote des eurodéputés en séance plénière.

L’extrême droite accusée de « menacer » les eurodéputés

« On va voir comment le vote final se poursuit mais le vote de rejet a perdu et c’est le plus important », a déclaré à l’AFP Pascal Canfin (Renew), président de la commission Environnement, dont le groupe politique est lui-même divisé sur le texte.

Ces derniers jours, Pascal Canfin avait accusé le chef de file du PPE, l’Allemand Manfred Weber, de faire pression sur les eurodéputés de droite et de les menacer « de représailles politiques » s’ils votaient en faveur du texte de loi. « Si les gens avaient voté librement en conscience dans tous les groupes, je peux vous dire qu’il y avait une majorité très claire pour soutenir la loi sur la restauration de la nature », a affirmé Pascal Canfin à l’AFP.

​​​​

Esther de Lange, vice-présidente du PPE, a insisté sur les divisions au sein de la commission environnement sur un texte de loi déjà rejeté par les commissions Agriculture et Pêche fin mai. « Quand Frans Timmermans va-t-il comprendre le message ? », a-t-elle demandé à l’adresse du vice-président de la commission.

Yannick Jadot (EELV) a dénoncé une droite « pathétique » qui « prétendait aimer la nature » mais « est dorénavant prête à la saccager pour s’aligner sur l’extrême droite ». Pour l’ONG WWF « il est encore temps de sauver cette loi » : « l’avenir des agriculteurs, des pêcheurs, des entreprises ou de l’économie repose sur la restauration des écosystèmes naturels. »

Le Copa-Cogeca réclame le rejet du texte

« Le tirage parfait entre opposants et partisans du projet montre à quel point ce texte mal préparé et mal équipé est le principal enjeu des eurodéputés, ont réagi de leur côté le Copa et la Cogeca dans un communiqué de presse du 16 juin 2023. Le vote sur les amendements au texte qui a eu lieu aujourd’hui rendra encore plus impraticable pour les agriculteurs, les sylviculteurs et les pêcheurs européens s’il est voté tel quel. C’est pourquoi nous continuons à demander qu’il soit rejeté par la commission de l’environnement et en séance plénière dans les semaines à venir. »

Et d’affirmer : « La Commission est trop dépendante de la Pac pour financer cette énorme transition vers la restauration […] Il faut agir et toute la communauté agricole est d’accord sur ce point, mais elle doit être correctement financée ! »

Selon les représentants des agriculteurs européens, « la responsabilité incombe pleinement à la Commission européenne, qui n’a pas réalisé les études nécessaires pour quantifier tous les impacts qui auraient permis de proposer une solution durable et un consensus accepté par tous ».

Quatre pays dont la France appellent à trouver un accord

Le texte sur la restauration de la nature figure en outre à l’agenda du conseil environnement mardi prochain, le 20 juin 2023, à Luxembourg. Les ministres sont supposés trouver un accord politique.

Quatre pays, l’Allemagne, l’Espagne, la France et le Luxembourg, ont cependant écrit conjointement à la présidence suédoise de l’Union européenne pour lui faire part de leur « grande inquiétude » sur le fait qu’elle pourrait le retirer de l’ordre du jour.

« Nous considérons de la plus grande importance le fait que le Conseil puisse avoir l’opportunité de délibérer sur ce dossier afin de conclure sur l’orientation générale prévue », écrivent-ils dans ce courrier daté du 13 juin 2023, portant l’en-tête du gouvernement allemand, consulté par l’AFP.

Le terme « orientation générale » fait référence à un accord politique des États européens. « Nous utiliserons nos efforts diplomatiques communs pour soutenir une orientation générale. Nous sommes convaincus qu’il reste possible de conclure avec succès les négociations », écrivent les quatre pays signataires.