« Ce n’est pas de la saucisse et ce n’est pas du steak, tout simplement, il faut appeler un chien un chien et un chat un chat », tacle Céline Imart, eurodéputée de droite à l’origine du texte. Reprendre ces noms, c’est « tirer parti de la renommée de ces produits, il y a un côté mensonger dans cette récupération », proteste l’élue française, également exploitante céréalière.

Réserver des termes aux plats à base de viande

Les produits végétariens imitant la viande ont connu un essor au cours des dernières années, porté par le souci des consommateurs de manger sainement ou de réduire leur empreinte environnementale. Si le texte est adopté, les aliments étiquetés « saucisse », « hamburger », ou encore « escalope » ne pourraient plus être appelés ainsi que s’ils contiennent de la viande.

L’issue du vote reste toutefois incertaine, car le chef de la droite européenne, l’Allemand Manfred Weber, n’est guère emballé par la proposition de sa collègue française. « Les consommateurs ne sont pas stupides », a-t-il souligné. À titre personnel, ce texte n’est « pas du tout une priorité ». Et en cas d’adoption, les eurodéputés devront encore négocier avec les 27 États de l’Union européenne sur la modification proposée.

Un débat animé dans l’hémicycle

Dès mardi, le texte a donné lieu à un débat animé dans l’hémicycle. Fermement opposée à cette loi, l’écologiste néerlandaise Anna Strolenberg a tancé le « lobby de la viande » qui « tente d’affaiblir ses concurrents innovants dans le domaine alimentaire ». « Si vous voulez aider les agriculteurs, donnez-leur des contrats plus solides, de meilleurs revenus et arrêtez » de débattre des burgers végétariens, a-t-elle exhorté.

De son côté, Interbev, l’interprofession française « refuse que les protéines végétales s’approprient les dénominations de la viande à des fins marketing », car elles « brouillent les repères et affaiblissent la reconnaissance d’un produit brut et 100 % naturel ». Sans « protection claire, les consommateurs risquent d’être trompés par des produits qui empruntent les codes de la viande sans en être, explique son président Jean-François Guihard. Ces dénominations doivent garantir une distinction nette entre deux produits fondamentalement différents. »

Les élections européennes de 2024 ont rebattu les cartes

Ce n’est pas la première fois qu’un tel texte est débattu au Parlement. En 2020, les eurodéputés avaient rejeté une loi visant à interdire les appellations de « steak » ou « burger » pour des produits végétariens sans viande animale. Mais les élections européennes de 2024 ont changé l’équilibre entre les partis, accordant plus de places aux députés de droite, qui revendiquent leur proximité avec le secteur agricole.

Cette initiative s’inscrit aussi dans une « logique de cohérence avec la réglementation européenne, qui protège déjà les termes issus des produits laitiers » de leurs alternatives végétales. « Il est légitime d’en faire de même pour la viande », plaide Céline Imart.

« Le but n’est pas de nuire aux éleveurs »

Mais pour Nicolas Schweitzer, le P.-D.G. de la marque française La Vie qui fournit Burger King en « bacon végétal », « le but n’est pas de nuire aux éleveurs. C’est une manière plus simple et évidente pour le consommateur de comprendre ce qu’on lui propose, qu’il pourra les cuisiner de la même manière, que les produits contiennent des informations nutritionnelles équivalentes. »

« Ce sont des produits qui cochent toutes les cases qui adressent toutes les problématiques de bien-être animal, d’élevage intensif, de réchauffement climatique… Ça devrait être encouragé pas complexifié », estime-t-il.

L’Allemagne, un large marché

En Allemagne, le sujet inquiète les supermarchés, dont Lidl et Aldi, qui considèrent qu’exclure des « termes familiers » permettant aux « consommateurs de faire un choix éclairé », rendrait « beaucoup plus difficile pour les entreprises la vente de leurs produits », alertent-ils. Cela « affecterait particulièrement l’Allemagne » le plus large marché pour les alternatives végétales en Europe, assurent-ils.

Ce dossier agite aussi les passions en France, où un décret proposant lui aussi d’interdire ce type d’appellation avait été pris en 2024, pour apaiser la colère des agriculteurs. Il avait été annulé par le Conseil d’État fin janvier 2025, dans la foulée d’une décision de la Cour de Justice de l’Union européenne.