Sur 3,5 hectares, Laura et Amandine Roussier cultivent une dizaine de plantes différentes afin de produire de la couleur végétale. Au départ spécialisées dans le bleu indigo produit par la persicaire qui représente la majorité de leur production, les deux sœurs ont ajouté la garance pour le rouge, la camomille pour le jaune, ou encore le cosmos sulfureux pour l’orange.

Après six générations de maraîchers sur l’exploitation familiale, leur père avait décidé d’arrêter. Anciennes maquilleuse et coiffeuse, elles ont passé leur BPREA et ont créé Le champ des couleurs en 2018. « Je me suis demandé ce qu’on pourrait cultiver sur nos terres. Je voulais faire de la vigne, mais avec l’irrigation gravitaire, cela ne s’y prêtait pas. Je me suis passionnée pour la couleur végétale mais on n'avait aucun client, tout restait à construire. Je savais juste qu’on avait déjà les terres et le hangar pour la transformation », raconte Laura Roussier.

Produire de la couleur

De février à la mi-avril, c’est la récolte des racines de garance, sur 8 000 m², qui seront ensuite nettoyées, séchées et broyées sur place. À partir de juillet et jusqu’à novembre, c’est au tour des feuilles de persicaire. « Chaque jour, nous récoltons à deux 500 kg de feuilles fraîches que nous allons ensuite transformer rapidement », explique Laura. Cette étape se fait souvent à la main mais les deux sœurs utilisent une récolteuse à thym modifiée. « Il n’existe pas de machine pour les plantes tinctoriales. Nous regardons souvent du côté des PPAM (1) ». Elles utilisent également une planteuse.

Ensuite, place à l’extraction de la persicaire. « Dans une bassine en béton, les feuilles sont infusées, telles une tisane, avant que l’eau ne soit récupérée et oxygénée grâce à une pompe. L’eau de chaux tombe au fond et ensuite on filtre, on broie et on sèche grâce à un séchoir solaire et nous obtenons de l’indigo », détaille l’agricultrice.

Construire un secteur

Les deux sœurs vendent leurs pigments et plantes séchées à des entreprises artisanales, notamment de savonnerie. Le débouché textile reste difficile car les entreprises de teinture sont habituées à utiliser des pigments synthétiques. Les pigments naturels n’ont pas la même méthode d’application. Les deux sœurs se sont également renseignées sur la partie toxicologique, obligatoire en cosmétique. Les consommateurs sont en demande, en particulier pour la coloration capillaire.

Malgré les contraintes techniques, les plantes tinctoriales intéressent des personnes prêtes à s’installer. « Les nouveaux producteurs permettent de faire de la publicité au secteur. Mais comme l’engouement pour la spiruline, nous devons aussi construire notre marché et maintenir une certaine qualité de pigment », rappelle Laura. Certains producteurs couplent la production de plantes tinctoriales avec celles de plantes aromatiques et médicinales.

(1) Plantes à parfum, aromatiques et médicinales.