« Les mesures mises en œuvre par le préfet de la Région Bretagne sont insuffisantes pour lutter contre les échouages d’algues vertes sur le littoral breton », résume le tribunal administratif de Rennes dans un communiqué du 13 mars 2025.
Saisi de deux recours déposés par l’association Eau et Rivières de Bretagne, le tribunal laisse au préfet « un délai de dix mois [pour prendre] toutes les mesures nécessaires pour permettre de réduire effectivement la pollution des eaux par les nitrates d’origine agricole sur le territoire breton, notamment en se dotant d’outils de contrôle permettant un pilotage effectif des actions menées ».
Un même délai est donné pour prendre « toutes les mesures utiles de nature à réparer le préjudice écologique résultant de la pollution des eaux par les nitrates d’origine agricole ».
Une nouvelle saluée par l’association
La reconnaissance du préjudice écologique « est une première », a salué le porte-parole d’Eau et Rivières de Bretagne, Arnaud Clugery, lors d’un point avec la presse. Cette décision de justice « est beaucoup plus large que celles qu’on a pu obtenir antérieurement ».
En octobre 2022, l’association avait déposé deux recours contre l’État pour lui demander de prendre « toutes mesures utiles » pour « pallier les insuffisances de sa politique de gestion des pollutions azotées ».
L’association avait demandé au tribunal de laisser à l’État un délai d’un mois pour agir et de lui imposer des astreintes d’un million d’euros par mois de retard. Elle n’a pas été suivie sur ce point par le tribunal. Sur ce volet, c’est une déception, a reconnu Arnaud Clugery. Pour autant, « ça ne veut pas dire que la porte est complètement fermée », l’association ne s’interdisant pas de ressaisir le tribunal dans dix mois si elle estime que les mesures prises restent insuffisantes.
Le deuxième recours portait sur une demande de « réparation des préjudices écologiques et moraux », le préjudice moral étant chiffré par l’association à 3,2 millions d’euros. Le tribunal a condamné l’État à verser 5 000 euros à Eau et Rivières de Bretagne.
Contactée par l’AFP, la préfecture n’avait pas réagi à la mi-journée.
L’agriculture mise en cause
Des tonnes d’algues vertes s’échouent chaque année sur les plages bretonnes. En pourrissant, elles dégagent du sulfure d’hydrogène, un gaz mortel en cas d’exposition à de fortes concentrations.
Au début de mars, un lien de causalité entre la mort d’un sanglier en septembre 2024 sur une plage proche de Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor) a pu être établi avec « l’inhalation de H2S, gaz émanant de la putréfaction des algues vertes », selon le parquet de Brest. Dans ce même estuaire, trente-six sangliers avaient été mortellement intoxiqués en 2011.
En novembre 2022, la Justice avait écarté la responsabilité de l’État et débouté la famille de Jean-René Auffray, un jogger mort en 2016 dans une vasière envahie d’algues vertes, toujours à l’embouchure du Gouessant (Côtes-d’Armor).
Selon un rapport de la Cour des comptes de 2021, cette prolifération d’algues vertes est « à plus de 90 % d’origine agricole » dans cette région où le recours aux engrais azotés a fortement progressé à partir des années 1960, et qui compte aujourd’hui 140 000 emplois dans l’agroalimentaire. La France en est à son septième programme d’action régional contre les nitrates depuis 2010, « aux effets incertains sur la qualité des eaux », selon la Cour des comptes.
En juillet 2023, le tribunal administratif de Rennes avait fixé un délai de quatre mois à l’État pour renforcer la lutte contre les algues vertes, dans le cadre d’une autre procédure menée par Eau et Rivières de Bretagne.