Malmenée par la guerre en Ukraine, « l’industrie des engrais est une industrie de proximité essentielle à la ferme France », a affirmé Delphine Guey, la présidente de l’Unifa (Union des industries de la fertilisation) lors d’une table-ronde dans le cadre de l’assemblée générale du syndicat le 1er juin 2023 à Paris. Elle a ainsi insisté sur l’importance « d’une approche filière encadrée pour renforcer le tissu industriel, faciliter l’intégration des innovations et accélérer la décarbonation ».
« Pour soutenir les activités de productions, il faut qu’on devienne plus cohérent », a-t-elle martelé. Et de rappeler que les acteurs des engrais ont fait preuve d’une forte agilité [durant la guerre en Ukraine], maintenant il faut avoir une agilité commune. » Delphine Guey a expliqué que le gouvernement fait notamment appel à eux pour soutenir la souveraineté alimentaire sur le territoire et qu’un plan est en préparation pour que le secteur puisse augmenter sa production en France. « Il faut se retrousser les manches car la marche est haute », a-t-elle lancé.
Manque de stratégie
« On a besoin de sécuriser la production d’engrais sur le territoire européen pour ne pas être dépendant », a insisté également Benjamin Lammert, président de la Fop (Fédération des oléoprotéagineux). Dominique Chargé, le président de La Coopération Agricole, a estimé de son côté que la France n’avait pas suffisamment d’autorité stratégique pour ses chaînes d’approvisionnement. « La crise du Covid et la guerre en Ukraine ont été le révélateur de problèmes structurels que sont la crise énergétique et la dépendance envers certains pays, a-t-il soutenu. Nous avons basculé dans un monde de volatilité et on ne sait pas faire. »
Un manque de stratégie également pointé du doigt par Benoît Pietrement, le vice-président de l’AGPB (Association générale des producteurs de blé). Il regrette que « le prix de l’azote soit plus cher en France que dans d’autres pays dans le monde, entraînant une distorsion de concurrence ». Et de poursuivre : « Nous avons l’habitude de travailler en filière, mais il n’y avait pas forcément les fabricants d’engrais qui y prenaient part. » Il reconnaît la nécessité de produire en France pour faciliter les approvisionnements et la disponibilité en produits. « Il faut réindustrialiser la France, oui mais à condition de rester compétitif. Aujourd’hui, nous devons innover sur nos propres exploitations pour continuer à produire, c’est un aspect essentiel. Et nous avons besoin d’y aller de façon unitaire. »
Approche combinatoire
Delphine Guey appelle à une « mise en œuvre plus rapide de l’approche combinatoire des solutions dans un objectif de « mieux d’engrais ». Et de citer les efforts de la filière dans la décarbonation de la production des engrais. « Tout le monde veut du made in France et du décarboné », résume-t-elle. Benjamin Lammert ajoute que « la décarbonation est dans le sens de l’histoire. Il faut voir avec les fabricants d’engrais comment émettre moins de carbone et il y a également un besoin d’une utilisation de l’azote plus efficiente. » Autrement dit : mieux utiliser l’azote en y intégrant la culture des légumineuses. « Nous avons besoin des industriels pour accompagner les agriculteurs en ce sens avec des outils d’aide à la décision », soutient-il.