Ces deux dernières années, des essais ont été menés pour évaluer l'intérêt des bandes leurres et de l'agrainage dissuasif dans la lutte contre les dégâts d'oiseaux sur tournesol et maïs. Le principe est de mettre en place des zones attractives à proximité des cultures de vente, avec l'objectif d'y cantonner les oiseaux.

Sur tournesol, vingt-trois essais ont été menés en 2021 et seize en 2022 dans le cadre du projet Prevost, coordonné par Terres Inovia. Du pois ou du soja a été semé à proximité de parcelles. "Les modalités ont été élaborées sur la base de préconisations de Limagrain, qui avait travaillé sur le sujet, indique Eric Baraton, de la chambre d'agriculture des Deux-Sèvres. Pour une parcelle de cinq hectares, une bande leurre de soixante mètres sur six de largeur est mise en place. Cela représente moins de 1 % de la surface semée." Les comptages réalisés durant ces essais ont confirmé que les oiseaux trouvent facilement les graines dans ces zones.

Des questionnements

Mais les résultats des deux années sont "plutôt décevants en fonction des conditions de mise en place" estime-t-il. Les observations vont d'un effet positif (diminution des attaques dans des cas de pression faible) à des effets contre-productifs (davantage de dégâts avec la bande). Terres Inovia juge néanmoins que cela ne disqualifie pas le concept, dont la conduite reste à affiner (dose, date de semis, recharge au fil du temps, surface à engager, positionnement de la bande...)

La pratique soulève d'autres questionnements. Eric Baraton pointe ainsi une ambiguïté d'un point de vue de la réglementation. La technique peut en effet être assimilée à de l'agrainage au sol, ce qui est interdit dans certains départements. Par ailleurs, "n'y aurait-il pas un effet démographique si la technique était développée de façon massive?", se demande-t-il. L'augmentation d'une ressource alimentaire pourrait favoriser la sédentarisation des populations d'oiseaux.

Concept qui mérite d'être exploré

En maïs, différentes espèces végétales ont été évaluées dans le but de déterminer si certaines sont "susceptibles d'attirer les corneilles encore plus fortement que le maïs semé", indique Jean-Baptiste Thibord, d'Arvalis. Maïs, orge, sorgho, blé tendre, pois, féverole, colza, millet et sarrasin ont ainsi été étudiés. "Les oiseaux se sont à chaque fois focalisés sur le maïs en le consommant jusqu'à la dernière graine, quitte à ensuite passer à autre chose", relaye-t-il. À proximité des parcelles semées, des graines de service - du maïs - ont été mises en place sur cinq sites en 2021 et dix sites en 2022. Seules quelques modalités ont pu être exploitées. En 2022, sur les deux sites ayant été visités par les corvidés, les attaques dans la parcelle adjacente ont été négligeables.

"Nous avons encore trop peu de résultats pour affirmer que cela fonctionne, relève l'expert. Ce que l'on peut dire à date, c'est que l'on n'a pas constaté davantage de dégâts sur l'ensemble des parcelles où la modalité a été mise en œuvre. Elle n'a pas augmenté le risque pour la culture que l'on souhaitait protéger. " Les résultats, jugés encourageants par Arvalis, amènent l'institut à tester la technique plus largement en 2023. Dans le cadre des essais, Jean-Baptiste Thibord souligne cependant un frein à l'adoption par les agriculteurs, ces derniers craignant d'attirer les populations sur leurs parcelles.