Changement d’ambiance cette semaine pour les céréales, avec un retrait des prix sur le marché mondial dû à la hausse du dollar, aux bonnes nouvelles concernant l’état des cultures et le tassement momentané des achats. Le complexe soja se stabilise sous l’effet de la récolte brésilienne mais le prix du colza explose en raison de la tension du bilan européen et mondial et de la hausse du prix du pétrole.

Morosité sur le marché mondial du blé cette semaine

La pression est retombée cette semaine, avec plusieurs facteurs plutôt baissiers à l’œuvre. Le premier de ces facteurs a trait aux taux de change : le dollar est en train de remonter face à l’euro. Sa progression s’est vue renforcée ces derniers jours (+1,5 % cette semaine face à l’euro) après les déclarations du président de la Réserve fédérale américaine (Fed), Jérôme Powell, qui a laissé entendre que la Fed n’accroîtrait pas ses interventions sur le marché dans le court terme. La hausse du dollar renforce le prix des matières premières valorisées en dollar, ce qui pousse ces dernières à « corriger » à la baisse pour ne pas perdre en compétitivité. Cela a fait baisser le blé à Chicago depuis la semaine dernière et les prix physiques américains abandonnent ainsi environ 15 $/t Fob Gulf par rapport à vendredi dernier.

 

Le retrait des prix, européens en particulier, est dû aussi à la morosité du marché mondial cette semaine : il n’y a pas eu de gros appels d’offres ni d’achats en blé de la part des grands importateurs tels que l’Égypte et l’Arabie, ce dernier pays venant pourtant de lancer un appel d’offres en orge. L’Algérie aussi, après ses achats récents, est restée silencieuse en blé tendre alors qu’elle a réalisé un achat important de blé dur. Le Pakistan, de son côté, semble n’avoir accepté aucune proposition dans le cadre de l’appel d’offres qu’il avait lancé le 18 février et qui s’est clôturé au début de la semaine.

Les blés russes en meilleur état que prévu

Sur le front des cultures, des nouvelles apaisantes ont émergé cette semaine, de Russie notamment. L’office national des prévisions météorologiques a estimé que 7 à 9 % des cultures d’hiver étaient en mauvaises conditions. C’est plus que les 4 % de l’an dernier à la même période mais beaucoup moins que les 22 % en mauvais état au mois de décembre. Le taux de survie des blés russes est donc meilleur qu’attendu et les surfaces à replanter seront moins élevées que ce qui était craint, même si elles demeurent importantes. Les blés d’hiver russes ne sont donc pas encore tirés d’affaire, surtout avec les basses températures qui s’annoncent de nouveau pour les prochains jours dans le centre et le sud du pays, mais les inquiétudes diminuent.

 

7 millions

L’estimation de la hausse du tonnage des blés français en 2021 par rapport à la récolte de 2020

En France, .FranceAgriMer estime à 88 % la part des blés d’hiver en bonnes et excellentes conditions : cette part grimpe de 1 point par rapport à la semaine dernière et dépasse allègrement le score de l’an dernier à la même date (64 %). Cela vient conforter une prévision de fort rebond possible de la récolte française, s’il n’y a pas d’accident climatique d’ici là. Nous la prévoyons actuellement à 36,6 millions de tonnes, soit une hausse de plus de 7 millions de tonnes par rapport à 2020.

 

 

Les perspectives s’annoncent bonnes aussi en Ukraine et le vice-ministre ukrainien de l’Économie est venu le rappeler cette semaine, ce qui a contribué également à la baisse des prix.

 

Dans ce contexte, les prix du blé français viennent de perdre 12 €/t pour l’ancienne campagne (à 227,5 €/t rendu Rouen, base juillet) et presque 19 $/t. Les blés russes n’ont perdu que 1 $/t sur la même période, si bien que l’écart entre les deux origines s’est très nettement rétréci, les blés français valant maintenant 2 $/t de moins que les blés russes en position Fob. Il s’agit d’une très forte correction, qui reflète aussi probablement le fait que la demande chinoise attendue en France au cours du premier semestre de 2021 est plus faible que prévu.

Petit trou d’air pour les prix d’orge…

Au cours de la semaine écoulée, le prix de l’orge rendu Rouen a perdu 6,5 €/t, à 209,5 €/t, sur l’ancienne campagne et 4,5 €/t, à 201,5 €/t, sur la prochaine campagne. Ce recul des prix intervient dans un environnement très légèrement baissier pour les céréales. La fièvre porcine africaine de retour en Chine apporte beaucoup de méfiance de la part des opérateurs qui se souviennent des graves conséquences du précédent épisode de 2018, qui avait décimé les cheptels. La situation actuelle n’a rien d’aussi dramatique, mais après l’euphorie des derniers mois et la hausse des besoins de la Chine, le renouveau de cette maladie vient peser légèrement sur le prix des céréales fourragères et des tourteaux.

 

En France, les conditions climatiques permettent une avancée rapide des semis d’orge de printemps. Au 1er mars, 50 % des intentions de semis étaient réalisées contre 19 % une semaine auparavant. De plus, d’après Céré’Obs, 83 % des orges d’hiver étaient dans des conditions bonnes à excellentes au 1er mars, contre seulement 65 % l’année dernière à la même date.

... mais des facteurs de soutien demeurent

Les éléments précédents expliquent la baisse des cours observée cette semaine, mais d’autres éléments sont de nature à soutenir les cours dans les prochaines semaines. D’une part, la France a chargé plus de 270 000 tonnes d’orge à destination de la Chine sur la première semaine de mars. En raison de cette demande, les stocks français à la fin de juin 2021 s’annoncent à un bas niveau.

 

D’autre part, et de manière plus ponctuelle, l’Arabie Saoudite vient d’émettre un appel d’offres pour 540 000 tonnes fourragères qui devrait se conclure le 5 mars 2021. Cet événement est de nature à soutenir les prix mondiaux, même si les prix actuels de l’origine française ne permettent pas d’atteindre ce marché.

 

Les prix brassicoles ont plutôt bien résisté cette semaine : les prix d’orge d’hiver n’ont pas varié quelle que soit la campagne (218 €/t pour la récolte de 2020 et 209 €/t pour la récolte de 2021 Fob Creil en base juillet). Pour l’orge de printemps, le prix nouvelle récolte a perdu 1 €/t, à 216 €/t, mais le prix ancienne récolte a gagné 4 €/t, à 224 €/t. Sur la campagne en cours, la France continue en effet de bénéficier de la demande mexicaine et colombienne ce qui soutient les prix d’orge de printemps de 2020.

Le maïs suit à la baisse

Le maïs aussi s’est orienté à la baisse cette semaine, les prix abandonnant 1 €/t Fob Rhin, à 226 €/t, et 2 €/t Fob façade atlantique, à 225,5 €/t (base juillet). Les maïs français perdent ainsi plus de 6 dollars la tonne, poussés vers le bas par le blé et l’orge mais aussi par le léger retrait des maïs argentins (–11 $/t), et des maïs ukrainiens et US (–4 et –1 $/t).

 

Même si les prix demeurent élevés, le marché mondial du maïs accuse actuellement le coup de la hausse du dollar qui pousse vers le bas les prix US et de l’absence de nouveaux achats chinois après la vague du début de l’année. Les maïs argentins vont bientôt arriver sur le marché, ce qui pèse également sur les prix US. Comme mentionné pour l’orge, la recrudescence des cas de fièvre porcine en Chine inquiète fortement les opérateurs. Nous prévoyons de notre côté que les besoins chinois resteront élevés lors de la campagne prochaine tout en tablant d’ores et déjà sur une progression du cheptel porcin chinois plus faible que celle de 2020.

 

Aux États-Unis, le ministère de l’Agriculture, USDA, a publié cette semaine les prix garantis qui seront retenus pour le calcul des indemnités aux producteurs en cas de problème climatique. Ces prix sont beaucoup plus élevés que l’an dernier, pour le maïs et le soja, et viennent confirmer que les farmers auront un intérêt à maximiser les surfaces des deux cultures. Cela présage donc d’un net rebond de la production de maïs US pour la récolte de 2021.

Le prix du colza retrouve son record de 2012

A 517,75 €/t sur le Matif à l’heure d’écrire ces lignes, le colza reste proche du maximum historique atteint sur Euronext (septembre 2012) pour l’échéance rapprochée. A 517 €/t rendu Rouen, les prix s’enflamment à cause d’une très importante baisse des stocks attendue dans l’Union européenne en fin de campagne. La trituration reste soutenue par une forte demande en huile alimentaire et la reprise du biodiesel dans un contexte de prix du pétrole croissant. L’annonce cette semaine faite par l’Arabie de ne pas augmenter sa production est venue mettre le feu aux poudres et a fait grimper le prix de l’or noir au plus haut depuis un an.

 

Par ailleurs, avec l’extrême tension en huile de tournesol, cette dernière continue de pousser les prix de l‘huile de colza vers le haut et de soutenir les marges de trituration. Ces dernières sont très attractives et poussent les acheteurs de colza à s’approvisionner auprès de toutes les sources disponibles. Néanmoins, le peu de disponibilités restantes dans l’Union européenne fait grimper les prix, les besoins ne pouvant pas toujours être couverts par les stocks présents actuellement chez les agriculteurs ou dans les coopératives.

 

Les faibles rythmes de production d’huile de palme en Indonésie et Malaisie aggravent les difficultés d’approvisionnement des acheteurs d’huile (notamment la Chine), qui se reportent sur les huiles disponibles, notamment celle de colza produite dans l’Union européenne, au Canada ou aux Émirats arabes unis.

 

Enfin, les prix européens sont également très affectés par les prix canadiens qui ont légèrement baissé cette semaine mais se maintiennent à un niveau très élevé.

La graine de soja se stabilise, mais le tourteau baisse

Le soja est resté presque stable cette semaine à Chicago à 520 $/t. Après la hausse de la semaine dernière, les prix se consolident avec l’arrivée de la récolte brésilienne. Cette dernière reste toutefois en retard alors que pointent à nouveau de fortes inquiétudes pour la récolte argentine qui risque de souffrir, en phase de finition, des conditions très sèches actuelles.

 

Le début des récoltes brésiliennes en fève de soja combiné au ralentissement de la demande chinoise durant les festivités du Nouvel An avaient pesé sur les prix en février. Le recul des cours est toutefois resté très modéré compte tenu du retard de la récolte brésilienne qui a rallongé la campagne d’exportations US. À court terme, l’avancée des récoltes sud-américaines devrait empêcher une nouvelle inflation des prix. Toutefois, la fragilité mondiale et l’extrême tension attendue sur le bilan US confèrent un potentiel de hausse additionnel dès lors que les récoltes sud-américaines seront toutes moissonnées.

 

Au contraire, les tourteaux ont vu leur prix s’affaisser cette semaine : ils ont perdu 8 $/t à Chicago (à 460 $/t) et 16 €/t à Montoir (à 436 €/t). La reprise confirmée des activités de trituration et d’exportation en Argentine, après les grèves du début de l’année, continue de faire pression sur les cours du tourteau de soja.

 

Par ailleurs, les inquiétudes des opérateurs s’accroissent à cause de la multiplication des cas de peste porcine africaine rapportés en Chine, ce qui pourrait engendrer une accélération des abattages préventifs.

Le tournesol français reste au plus haut

Les prix du tournesol français ont perdu 10 €/t cette semaine pour les variétés oléiques, à 530 €/t, mais ont gagné 10 €/t pour les variétés standards, à 555 €/t, à Saint Nazaire. En mer Noire, les prix ont gagné encore 10 $/t, à 715 $/t Fob.

 

Pas de changement : les marges de trituration se maintiennent à des niveaux très élevés, soutenant la demande industrielle en graine de tournesol. En Ukraine, les triturateurs peinent encore à honorer leurs contrats de vente d’huile de tournesol.

 

À suivre : conditions climatiques sur les cultures d’hiver dans l’hémisphère Nord, semis de printemps en Russie (céréales, tournesol), semis des sojas et maïs à venir aux USA, effet de la taxe russe sur les prix des céréales, situation de la grippe porcine en Chine, demande chinoise en orge, avancée des récoltes au Brésil et climat en Argentine (soja).