Le chancelier Olaf Scholz a de grands projets pour l’agriculture allemande. La feuille de route de sa coalition, réunissant sociaux-démocrates, écologistes et libéraux, détaille sur cinq pages comment le pays compte accélérer, dans ce domaine, sa transition écologique. La majorité a repris en partie les pistes fléchées en juin par la Commission sur l’avenir de l’agriculture (ZKL), qui avait été formée par l’ancienne chancelière. Ce qui lui vaut des applaudissements aussi bien du principal syndicat DBV que chez les défenseurs de l’environnement. « L’objectif le plus important doit être de préserver l’agriculture nationale et d’éviter de trop grandes ruptures », souligne Joachim Ruekwied, président du DBV.

Bio et bien-être animal

D’ici la fin de la décennie, le bio devra occuper 30 % des surfaces. L’effort à réaliser, surtout financier, est considérable : en dix ans, l’Allemagne est passée de 6 à 10 %. « Il faudra réaffecter des fonds vers le deuxième pilier de la Pac. Si on utilise tous les fonds pour le bio, l’argent manquera pour l’aménagement rural, la protection de la nature, du climat », estime Christian Rehmer, expert agricole à l’ONG environnemental BUND. L’écoulement de cette production doit passer par une stimulation de la demande, notamment dans la restauration collective.

L’ambition est également forte sur l’élevage. Dès 2022, un label obligatoire qualifiera les conditions d’élevage, de transport et d’abattage. Les aides à l’investissement privilégieront les démarches « qualité ». Pour aider financièrement les exploitants à accomplir leur transformation, le gouvernement Scholz mise aussi sur un système porté par la grande distribution, sur le modèle d’initiatives existantes sur le bien-être animal. La ZKL avait plaidé pour une redevance étatique ou une hausse de TVA. « J’aurais préféré une de ces deux solutions, commente Christian Rehmer. L’État serait ainsi acteur et non en position de demandeur. »

Services écologiques rémunérés

L’accent sur le bien-être passera aussi par des mesures réglementaires : couplage de la taille des troupeaux aux surfaces des exploitations, encadrement des transports d’animaux en dehors de l’Union européenne et même vidéosurveillance dans les grands abattoirs.

Côté produits phytosanitaires, l’ONG BUND reste sur sa faim en dépit du bannissement du glyphosate en 2023. Elle pointe des formulations contradictoires. Son avis est plus enthousiaste sur le futur de la Pac après 2027 : le gouvernement allemand veut tourner le dos aux primes à l’hectare pour s’orienter vers une rémunération du service écologique. « Avec la France, et par le passé la Grande-Bretagne, l’Allemagne est un des pays membres les plus importants quand il s’agit d’engager des débats à Bruxelles », se réjouit Christian Rehmer.

Pour mener cette transition verte, la coalition a choisi de confier l’agriculture aux écologistes, déjà aux manettes dans de nombreux Länder. Le parti n’a pourtant pas désigné un pur spécialiste. Pour des raisons internes, le portefeuille est revenu à Cem Özdemir, expert en politique étrangère et de transports.

Luc Andre