Les rhumatismes dont il a souffert dès son enfance ont eu une conséquence inattendue dans son œuvre : les promenades prescrites par les médecins ont favorisé sa passion pour la nature… Antoni Gaudí (1852-1926) pouvait passer des heures à observer la forme d’une feuille. Si ses parents, chaudronniers, vivaient à Reus, cité commerçante au sud de Barcelone, ils possédaient aussi une ferme dans un village voisin. Là, à Ruidoms, le garçon appréciait la compagnie des poules et des insectes.
Céramiques et mosaïques
À 17 ans, le jeune Catalan s’installa dans la capitale afin d’y étudier l’architecture. Pour sa première maison, la Casa Vicens, érigée en 1883 - et la dernière à avoir ouvert au public, en 2017 -, il s’inspira des plantes qui se trouvaient sur le terrain. Des œillets d’Inde sont dessinés sur les carreaux de la façade, une feuille de palmier esquissée sur le portail de fonte… La demeure est classée par l’Unesco au patrimoine mondial de l’humanité, comme six autres de ses créations, dont le parc Güell. Ce vaste jardin abrite un célèbre lézard en « trencadis », des débris de céramique.
Ses deux façades organiques les plus abouties trônent en vis-à-vis sur les Champs-Élysées barcelonais, Passeig de Gràcia. Celle de la Casa Batlló, terminée en 1906, subjugue le regard avec les ondulations de ses mosaïques semblables au mouvement de l’océan. Sur celle de la Casa Milà, appelée aussi La Pedrera, les balcons semblent formés d’algues tandis que la porte d’entrée ressemble à des ailes de papillon.
Il s’agit de la dernière œuvre civile de ce maître de l’Art nouveau, avant qu’il ne se consacre à la Sagrada Família, son chef-d’œuvre. Les piliers y évoquent une forêt et son portail de la Nativité présente une végétation exubérante. « Gaudí voulait faire transparaître une nature emplie de joie de vivre », explique l’architecte principal, Jordi Faulí. Les travaux s’y poursuivent depuis plus d’un siècle, à l’image d’une cathédrale du Moyen Âge. La basilique devrait être achevée après 2030, ses dix-huit tours dressées vers le ciel. Mathilde Giard