«Lorsque je visionne un reportage sur les abeilles, dès que j’entends le mot “pesticides”, je zappe. » Voilà une réflexion que l’on entend de la part d’agriculteurs qui ne supportent plus que la seule cause de mortalité des abeilles mise en avant dans les médias soit les produits phytosanitaires. Comme récemment sur France 2, dans un long reportage où l’on voit à l’écran une ruche qui se meurt et où il est dit que c’est à cause des pesticides, sans preuves à l’appui. « Connaissez-vous le mal de mai ? La maladie noire ? Le virus de la paralysie chronique ? Maladie apicole qui colle bien avec ces symptômes. Par contre, l’intox agri, sur une seule ruche, c’est très rare… », s’est empressé de corriger sur Twitter, Olivier Garnier, agriculteur et apiculteur amateur.
Ce n’est pas le fait de citer les pesticides qui pose un problème, c’est le fait de ne citer qu’eux… par ignorance, facilité ou idéologie. Car la surmortalité des abeilles est multifactorielle, comme l’indique l’Anses (l’agence de sécurité sanitaire) en détaillant les principales causes : agents pathogènes et prédateurs dont le varroa, ressources alimentaires insuffisantes, pratiques apicoles dont dépend notamment l’état sanitaire du rucher, produits chimiques avec en particulier les phytos… Yvan Hennion, apiculteur dans le Nord, le rappelait d’ailleurs dans nos colonnes (1), expliquant être convaincu que les abeilles et l’agriculture conventionnelle peuvent cohabiter. « Nous le démontrons tous les jours. Nous faisons transhumer nos ruches du nord jusqu’à l’extrême sud de la France, en général chez des agriculteurs », déclare-t-il, ajoutant que pour réussir il faut dialoguer avec les agriculteurs chez qui les ruches sont installées, ainsi qu’avec leurs voisins. Car le respect des bonnes pratiques est important.
Les agriculteurs interrogés dans notre enquête (lire pages 16-17), par ailleurs apiculteurs amateurs dans diverses régions, expliquent eux aussi que cette cohabitation agriculture conventionnelle-apiculture ne leur pose pas de problème de mortalité et donc de production de miel. Traiter les cultures dans de bonnes conditions et disposer d’une ressource alimentaire suffisante et diversifiée font partie des facteurs de réussite de leur élevage. Il faut aussi avoir suivi une bonne formation car l’apiculture, cela s’apprend… Ce qui n’est pas toujours le cas des nombreux apiculteurs amateurs, même s’il y en a de bons. Quant à déclamer « les insecticides tueurs d’abeilles » comme le font certaines ONG, cela frappe les esprits mais ne résout pas le problème de mortalité. La réalité est plus complexe mais encore faut-il vouloir l’appréhender dans sa globalité.
(1) La France agricole du 13 décembre 2019, p. 16.