70 % de la production agricole de l’Ukraine est aux mains d’hommes d’affaires qui ont su, à la chute du mur de Berlin, créer des exploitations agricoles de grandes surfaces. Actuellement le pays est coupé en deux, à l’Ouest l’activité peut se dérouler quasiment normalement et à l’Est c’est la guerre.
Peur du manque de fuel
Petro Melnyk a deux activités, homme d’affaires dans l’informatique en Europe de l’Ouest et agriculteur sur une ferme de 44 000 hectares. « Un tiers de mes surfaces se situent à Lughansk dans les territoires occupés par l’ennemi. Nos stocks de blé ont été volés et la majorité du matériel a disparu, déplore l’homme d’affaires.
« Un autre tiers est à Chernigov à l’est de Kiev où les Russes ont fait une incursion, poursuite Petro Melnyk. Heureusement, comme à chaque moisson, nous avions exporté notre récolte pour faire de la trésorerie, dès le mois de septembre. Une partie du matériel a été détruit car un des bâtiments a été bombardé. Le reste de la ferme est à Zhytomyr à l’ouest de Kiev, où la situation est normale, avec des récoltes qui se présentent bien malgré la sécheresse. »
« Nous aurons des grains à exporter, se félicite l’homme d’affaires. Nous n’avons pas pu tout semer toutes nos cultures de printemps car normalement nous travaillons jour et nuit. Ce qui n’a pas été le cas, la nuit c’était trop dangereux ». L’agriculteur pense que les prochaines semaines seront déterminantes. Ses principales craintes sont le manque de fioul et les potentielles destructions par voie aérienne par les Russes.
Pouvoir stocker
De son côté, Pétro Gadz, agriculteur dans la région de Ternopil, proche de la Pologne, fait vivre tout un village en cultivant 70 000 hectares de céréales et d’oléagineux (1). « Notre gros souci est de pouvoir stocker les 20 000 tonnes qu’il nous reste de la campagne 2021, explique Pétro Gadze. Nous pensons avoir trouvé la solution avec des silos boudin en plastique que nous enterrons. Les productions seront gardées dans de bonnes conditions, plusieurs années, s’il le faut ».
L’agriculteur dit avoir « confiance dans les récoltes de 2022, même s’il est parfois délicat de cultiver avec les obus non explosés. Notre pays aura un déficit d’au moins 30 à 40 % de sa production nationale. Très tourné vers l’export, je souhaite que le corridor à Odessa se fasse mais je n’y crois pas ».
Pétro Gadz a réussi à exporter un peu par train, via la Pologne, vers les ports lituaniens mais c’est fastidieux et peu rapide. « J’ai entendu dire que les Européens voulaient nous aider à passer par Constantza ou le Danube Pourquoi pas, mais la logistique camion n’est pas faite pour de grand flux, souligne l’agriculteur. Pour la trésorerie, comme beaucoup d’entre nous, j’ai des réserves à l’Ouest mais elles ne seront pas éternelles, pas question de compter sur nos banques actuellement ».
(1) Il a témoigné dans le « Tour du monde des moissons », éditions France Agricole.