À l’occasion du Salon de l’agriculture, le 28 février 2023, France Gaz Renouvelables a organisé une table ronde sur le thème « la durabilité de la méthanisation agricole à l’heure de la certification ». La méthanisation agricole représente aujourd’hui 9 TWh de biométhane injecté pour plus de 500 unités réparties sur tout le territoire français. Elle est une source importante d’énergie verte pour répondre à l’objectif fixé de 20 % de gaz renouvelable dans la consommation d’ici à 2030.
Mais à partir du 1er juillet 2023, les unités produisant plus de 2 mégawatts (production annuelle effective supérieure à 19,5 GWh ou contrat d’achat stipulant Cmax supérieure à 200 Nm3/h) devront être certifiées afin de répondre à la directive européenne sur les énergies renouvelables (RED II). Celle-ci comprend un suivi strict des matières intégrées aux méthaniseurs, des process employés, et pour certains, un calcul de la réduction des gaz à effet de serre permettant la production de biométhane ou d’électricité.
Une traçabilité des intrants complexe
Soumise à un audit annuel, la certification RED II est un processus administratif qui s’avère lourd. Tout d’abord, elle implique de tracer précisément l’ensemble des intrants que l’on souhaite intégrer au méthaniseur. Pour Vincent Jean-Baptiste, responsable des affaires agricoles de GRDF, la multiplicité des intrants rend le processus de traçabilité complexe. « Et pour complexifier les choses, l’État français a choisi de surtransposer la réglementation européenne en ajoutant à la directive RED II, le seuil de 15 % au maximum de culture principale dans le méthaniseur », précise-t-il.
« Les agriculteurs connaissent déjà le critère de durabilité des terres dans le cadre de la directive RED I, mise en place il y a 10 ans. La difficulté c’est cette traçabilité », ajoute Emmanuel Audoin, responsable chez l’organisme de certification Véritas agro. S’il explique que c’est le mélange d’intrants multiples qui permet de créer un bon pouvoir méthanogène, il reconnaît qu’une des difficultés de cet audit pour la certification est de vérifier la traçabilité de ces intrants.
« Nous sommes des agriculteurs, pas des services administratifs, souligne Stéphane Brabant, agriculteur méthaniseur dans les Hauts-de-France. Ce qu’on demande aujourd’hui aux agriculteurs pour produire du gaz vert est très complexe. » En phase de test pour obtenir la certification RED II, avec un audit prévu en mars prochain, l’agriculteur explique que la certification « va très loin dans la recherche de la traçabilité de la durabilité des intrants ». Selon lui, cette difficulté administrative qui s’ajoute aux difficultés technique et financière est un frein au développement de nouveaux projets de méthanisation.
Toujours pas de formulaire de déclaration disponible
La certification ne concerne qu’un quart des installations agricoles en injection et 5 % en cogénération. Pour ces unités de méthanisation, la directive RED II impose depuis le 1er juillet 2022 une déclaration de traçabilité des intrants. Or, « à ce jour on n’a toujours pas le formulaire électronique qui permet de faire cette déclaration », alerte Vincent Jean-Baptiste.
Le dossier de certification nécessitant entre 4 et 6 mois. La tâche est donc ardue pour que l’ensemble des sites soient certifiés au 1er juillet 2023. Selon lui, cette certification devra passer par une période de transition pour permettre aux méthaniseurs de fournir une déclaration complète comprenant l’audit réalisé dans le cadre de la certification RED II.
Une plateforme en ligne pour simplifier la démarche de certification
Pour les petits méthaniseurs qui ne sont pas concernés par RED II, la certification peut présenter un intérêt pour « apporter de la valeur à sa production », souligne Jean-François Delaitre, président de l’Association des agriculteurs méthaniseurs de France. Si le processus de certification est complexe, « les schémas de certification vont permettre de créer de la confiance qui ira des politiques aux consommateurs et la rentabilité économique des filières viendra de la reconnaissance de la durabilité de l’énergie produite, indique-t-il. Tout l’enjeu réside donc dans le fait de donner envie à aux petits exploitants de se certifier. »
Pour simplifier la démarche, Cécile Frédéricq, déléguée générale de France Gaz Renouvelables, rappelle la mise en place, au début de février, d’une plateforme gratuite à destination de l’ensemble des méthaniseurs répondant à cette demande de traçabilité des intrants et de calcul des émissions de gaz à effet de serre. « Cette plateforme permet aux méthaniseurs de rentrer l’ensemble de leurs intrants qui vont être intégrés dans le méthaniseur pour s’assurer d’une part, que cette biomasse est durable et, d’autre part, qu’elle répond aux objectifs de réduction des émissions de GES », détaille-t-elle.