La loi sur l'immigration a été adoptée dans la douleur mardi 19 décembre 2023 par l’Assemblée nationale. D’abord rejeté par les députés avant même sa discussion, le texte remanié en commission mixte-paritaire a finalement été adopté malgré des défections dans les rangs de la majorité.
Alors que le monde agricole déplore un manque de main-d’œuvre criant, la loi immigration prévoit de renforcer les conditions d’accueil des personnes immigrées. Un paradoxe qui a poussé certains syndicats à réagir comme la Confédération paysanne et la CFDT Agri-Agro.
« Recul pour les droits »
« Le texte est un recul majeur pour les droits des personnes migrantes », s’est alarmé la Confédération paysanne dans un communiqué le 18 décembre, journée internationale des migrants. « Alors que tant de secteurs d’activité sont en recherche de main-d’œuvre, dont l’agriculture, il faut cesser d’instrumentaliser les travailleurs immigrés », appelle le syndicat minoritaire, prônant qu’une « vigilance particulière soit accordée au respect des droits des travailleurs qui accomplissent des tâches souvent pénibles et ingrates ».
Employeur : faire appel à des travailleurs détachés (23/11/2023)
Sophie Bezeau, directrice du Modef, dénonce auprès de La France Agricole, une loi « régressive et abjecte » qui va « dégrader les conditions de vie des exilés en France ».
« La souveraineté alimentaire française peut-elle se passer des travailleurs étrangers ? » a interrogé de son côté la CFDT Agri-Agro dans un communiqué du 20 décembre. Le syndicat de salariés pointe une « agriculture en tension » qui « fait appel par millier à des femmes et hommes venus de pays étrangers pour remplir nos verres et nos assiettes ». La CFDT Agri-Agro appelle « tous ceux qui travaillent dans l’agriculture » à « dénoncer fermement les effets de cette loi […] qui méprise des milliers de travailleuses et travailleurs essentiels. »
De même, la CGT-Fnaf fustige la « préférence nationale, fil rouge de cette loi infâme » en pointant du doigt la remise en cause du droit du sol (qui ne sera plus attribué automatiquement, ndlr).
« Notre pays s’est aussi construit avec cette richesse apportée par ces travailleurs étrangers », soutient le syndicat, qui s’inquiète de la réduction générale de « l’ensemble des droits sociaux des travailleuses et travailleurs, qu’ils soient français ou étrangers ».
« Secteur en tension »
La question des métiers en tension a été au cœur des débats sur la loi immigration. Elle proposait à l’origine, de délivrer « de plein droit » une carte de séjour valable un an pour les travailleurs sans papiers dans les secteurs concernés par la pénurie de manœuvre. Après le compromis trouvé avec la droite, le texte prévoit finalement d’accorder la carte de séjour au « cas par cas » et « à titre exceptionnel » dans une « procédure strictement encadrée ». De même, l’autorisation de travail des demandeurs d’asile (qui bénéficient de la qualité de réfugié) après six mois sur le territoire français a été supprimée.
De moins en moins de bras pour l’agriculture (22/03/2023)
L’agriculture n’est pour l’instant pas officiellement reconnue comme un « secteur en tension » malgré les demandes répétées des syndicats notamment la FNSEA au début d'octobre. « Chaque année, ce sont 70 000 postes qui restent sans candidat », alertait alors le syndicat majoritaire, qui se déclarait favorable l’année dernière à un titre de séjour « métier en tension ». Mais le ministre de l’Agriculture, qui a présenté le pacte d’orientation et d’avenir agricole, a assuré que le gouvernement allait discuter avec les partenaires sociaux pour intégrer l’agriculture à la liste des métiers en tension.
Un tiers des saisonniers sont étrangers
S’il n’a pas souhaité se prononcer sur la globalité du texte, Arnaud Gaillot, président des Jeunes Agriculteurs et présent sur le plateau de LCI, vendredi 22 décembre, accueille favorablement l’autonomie de la demande de carte de séjour des travailleurs étrangers par rapport à l’employeur. « C’est une réalité dans notre pays : beaucoup de cultures se récoltent manuellement. Si nous n’avons pas la main-d’œuvre étrangère, on les laisse pourrir dans les champs », a rappelé le président des Jeunes Agriculteurs.
Chaque année, près de 300 000 saisonniers investissent les champs français pour récolter fruits et légumes. Parmi cette main-d’œuvre, un tiers vient de pays étrangers, selon la FNSEA.