C’est un geste qui risque de coûter cher au salarié blessé mais aussi à son employeur. La Cour de cassation vient en effet de retenir le caractère professionnel d’un accident qui s’est produit entre un salarié et son collègue, durant la pause-déjeuner.

Un jeu qui dérape

À l’origine, deux hommes travaillent sur un chantier de rénovation de toiture d’une maison. Ils partent déjeuner. Et à leur retour, avant de reprendre le travail, ils improvisent sur le chantier un jeu de cow-boys et d’indiens. Pour s’amuser, le premier jette de l’eau sur le second, le second réplique avec un arc et une flèche qu’il est allé chercher, sans autorisation, dans la grange de la maison à rénover — à l’endroit où l’équipe a par ailleurs déposé son matériel. En tirant sur son collègue, il le blesse grièvement à la tête.

Le salarié tireur est condamné au pénal par le tribunal correctionnel pour « blessures involontaires avec incapacité supérieure à trois mois ». Mais face à cette décision, les assureurs du salarié décident de faire appel : ils invoquent la responsabilité de l’employeur et font valoir l’accident du travail.

De la responsabilité du salarié…

Dans un premier temps, les juges rejettent en appel la qualification d’accident du travail. Ils affirment que « l’événement accidentel doit s’inscrire dans le cadre de l’exécution du contrat de travail, alors que le salarié se trouve sous le contrôle de l’autorité de son employeur ». Ils estiment en effet que si l’accident s’est produit sur le lieu de travail pendant la journée de travail, il n’a aucun lien avec l’exécution du contrat de travail puisque les deux salariés, de retour de leur pause-déjeuner, n’avaient pas encore repris leur activité. Qui plus est, le salarié est allé chercher un arc et des flèches appartenant au client, par ailleurs de son initiative, sans ordre de son employeur. Les blessures infligées à son collègue ne relèvent donc pas du travail, indiquent les juges. Mais le tireur ne lâche pas l’affaire et ses assureurs décident de saisir la Cour de cassation.

… à celle de l’employeur

Contre toute attente, la chambre criminelle de la Cour de cassation casse l’arrêt et reconnaît le caractère professionnel de l’accident. Les hauts magistrats estiment que l’accident est bien survenu sur le lieu de travail et pendant le temps de travail. Par ailleurs, la preuve n’a pas été faite que :

  • le salarié fautif se soit soustrait à l’autorité de son employeur,
  • l’accident a eu une cause entièrement étrangère au travail.

Dès lors que la pause-déjeuner est considérée comme du temps de travail, l’accident survenu à ce moment-là doit être présumé imputable au travail, estime la Cour de cassation qui retient l’accident du travail et donc la responsabilité non pas de l’autre salarié tireur, mais bien de l’employeur.

Pour rappel

L’accident du travail est celui qui survient, quelle qu’en soit la cause, par le fait ou à l’occasion du travail, à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs (article L. 411-1 du code de la sécurité sociale). Par conséquent, le fait doit être accidentel et revêtir un caractère professionnel, c’est-à-dire que l’accident doit se réaliser au lieu et au temps de travail, à savoir lorsque le salarié est sous l’autorité de l’employeur.

Cour de cassation, chambre criminelle, 5 mars 2019, n° 17-86.984

Rosanne Aries