Le salarié d’aujourd’hui n’est pas celui d’il y a vingt ans, il est en position favorable : dans certaines productions, il peut choisir son employeur, et le quitter rapidement pour en retrouver un autre aussi vite. Daniel Audo, salarié en agriculture, depuis 28 ans dans le même canton du Morbihan, propose dix clés susceptibles de peser dans la décision d’un salarié de quitter ou de rester sur une exploitation.
Daniel Audo, technicien d’élevage depuis 28 ans. © R. Aries/GFA
CLÉ 1 : Savoir accueillir
« L’arrivée du salarié sur l’exploitation est déterminante. Dès le premier jour, il est important que l’employeur prenne du temps pour accompagner le nouvel arrivant. Il arrive que certains exploitants se contentent de dire : « Tu as l’élevage devant toi, débrouille-toi avec tout ça. » Ce qui peut provoquer le départ précipité du salarié. La période d’essai est importante, il faut la préparer, des décisions de rupture de contrat peuvent être prises rapidement durant cette période. Or, le départ d’un salarié peut avoir un double effet : non seulement l’employeur doit procéder à un nouveau recrutement, mais en plus, dès lors qu’il y a turnover sur une exploitation, ça se sait très vite, les salariés parlent entre eux. Heureusement quand ça se passe bien, ça se sait aussi.
CLÉ 2 : Fixer un règlement intérieur
Il est important de poser des règles au sein d’une entreprise, non pas pour contraindre les salariés à de multiples principes mais dans le but d’une meilleure organisation. Avoir un règlement intérieur, c’est disposer de la même information et suivre les mêmes règles. Il ne faut cependant pas que tout soit écrit dans le détail, sous peine d’asphyxie et d’un manque de flexibilité. Le règlement intérieur doit traiter des horaires de travail, des pauses, etc. Il précise un certain nombre d’obligations qui doivent être respectées par le salarié et l’employeur.
CLÉ 3 : Offrir de bonnes conditions de travail
Mécaniser au maximum les tâches permet au salarié d’évoluer dans de bonnes conditions de travail et d’éviter qu’il ne s’use trop vite. L’employeur doit aussi s’assurer de la bonne mise en œuvre des mesures de santé et de sécurité sur l’exploitation.
CLÉ 4 : Bien définir le poste de travail
Définir un poste est indispensable : quand un nouveau salarié vient dans l’entreprise, il sait à quoi s’attendre. Un salarié ne peut pas se contenter d’un : « On verra au fil du temps… » Ça n’est jamais très bon. Parce que le temps file précisément sur une exploitation.
Lors de l’entretien d’embauche, le salarié doit dire aussi ce qu’il a envie de faire. Cet entretien est une étape importante, c’est là que tout se précise : la définition du poste, les conditions financières, et notamment ce qu’il veut faire. L’exploitant peut aussi proposer une visite de son entreprise avant de franchir le pas, en clair de signer un contrat. Ça donne la possibilité au salarié de voir où il met les pieds.
CLÉ 5 : Communiquer
L’employeur doit tout mettre en œuvre pour faciliter la communication au sein de son organisation, avec son salarié. Quand il n’est pas présent, il doit pouvoir se rendre disponible d’une façon ou d’une autre : par téléphone ou par écrit. Un contact régulier entre eux est essentiel.
CLÉ 6 : Associer le salarié aux projets de l’exploitation
Le salarié va se sentir valoriser s’il est tenu au courant, voire associer à certaines décisions. Prenons l’exemple en production porcine d’un employeur qui dirait : « On laisse tomber le travail à la semaine pour passer à une conduite à quatre semaines. » Pour un salarié, cela change tout. Il doit pouvoir, à un moment, donner son avis. Car s’il ne partage pas cette décision qui s’impose à lui, il peut tôt ou tard être tenté de partir.
CLÉ 7 : Donner au salarié des perspectives d’avenir
Un salarié a besoin d’évoluer dans son travail, il doit avoir la possibilité, s’il le souhaite, d’endosser davantage de responsabilités ou d’élargir son savoir-faire.
CLÉ 8 : Proposer des formations
C’est forcément un avantage pour un salarié de se former tout au long de sa vie. Il existe cependant toujours un souci par rapport aux formations qui est : comment fait-on pour remplacer la personne qui est parti pendant deux ou quatre jours. C’est l’un des freins à la formation. Si on peut s’organiser, la formation est un atout.
CLÉ 9 : Réduire l’amplitude horaire d’une journée de travail
La production porcine est relativement bien organisée dans ce domaine : le salarié y travaille sur des horaires classiques, alors qu’en lait par exemple, le salarié arrive tôt, il a une coupure à 10 heures, puis il revient à 16 heures, pour faire la traite jusqu’à 18 heures ou 20 heures. Mais, même en production laitière, on peut organiser le travail de façon à ce que le salarié n’ait pas une amplitude horaire trop importante.
CLÉ 10 : Le salaire, aussi, ça compte
L’employeur peut s’appuyer sur les conventions collectives. La question des heures supplémentaires, des congés, des récupérations des salariés doit être discutée. Le salarié ne doit pas se voir toujours imposer des dates ».
À noter
« Le salarié ne doit pas non plus profiter de sa position de force actuelle. Il se doit de penser à l’entreprise, en faisant son travail avec conscience et rigueur, poursuit Daniel Audo. Avec flexibilité également, d’autant plus en agriculture. Nous avons des droits et des devoirs tout comme l’employeur.
Nous devons aussi avoir une morale. Quand ça ne va pas, que l’ambiance sur l’exploitation n’est pas bonne, il est préférable de partir, mais quand l’ambiance est bonne, la raison financière ne doit pas être la seule qui doit peser. »
Daniel Audo est intervenu le 4 décembre 2018, à l’occasion de la journée des chef-fes d’entreprise agricole organisée par les chambres d’agriculture de la Bretagne.