« Le Ramadan ? Nous faisons avec », résume Thierry Nania, maraîcher à Saint-Martin-de-Crau (Bouches-du-Rhône). Thierry Nania a repris l’exploitation familiale en 2000 et embauche de 5 à 25 personnes pour ses cultures de fruits et légumes en agriculture biologique. Il a décidé de composer avec le mois de jeûne que suit environ la moitié de ses ouvriers agricoles.
« On trouve un arrangement »
« Une semaine avant la période du Ramadan, je me mets avec eux et nous en discutons, explique-t-il. Ce mois-là, ils font au maximum 35 heures et ne viennent pas le samedi. On se met d’accord, s’ils veulent faire 6 heures par jour au lieu de 7 heures. S’ils décident de travailler une heure de moins, on trouve un arrangement. »
« Je n’enlève pas de salaire, ils rattrapent leurs heures après le Ramadan, poursuit-il. Je demande à Lise, la cheffe de mes équipes, d’embaucher des ouvriers agricoles supplémentaires si besoin. » Si Thierry Nania a choisi la souplesse, c’est qu’il connaît bien son personnel et qu’il est content de ses prestations. Certains travaillent pour lui depuis vingt ans et ne râlent pas.
Une première semaine difficile
La première semaine de jeûne est souvent très dure physiquement : « Ils sont fatigués, ensuqués, on voit qu’ils planent un peu… Les femmes et les plus anciens tiennent mieux que les jeunes. » Le maraîcher aménage les horaires. L’été, il débute tôt le matin, pour la fraîcheur, à 6 heures.
Il enlève la coupure de trente minutes à ceux qui ne mangent pas. « Ça ne se fait pas d’obliger ceux qui jeûnent à regarder les autres manger. C’est inhumain. Je les regroupe sur la même culture, et ils font ensemble leurs heures sans s’arrêter. »
Réexpliquer le cadre du travail
Sur d’autres exploitations, avec des effectifs plus importants, le discours n’est pas le même. On trime sans ménagement, Ramadan ou pas. Les jours d’Aïd, de fêtes, la plupart des saisonniers musulmans ne travaillent pas. « On n’a pas le choix », poursuit Thierry Nania. Mais s’il manque de personnel ce jour-là, il peut s’entendre dire : « Patron, on ne va pas te laisser tomber, on te fera la matinée. » Pour le maraîcher de Saint-Martin-de-Crau, le respect mutuel est essentiel : « Je suis correct avec eux. Nous sommes dans une relation donnant donnant. »
Sur la Côte bleue, à Châteauneuf-les-Martigues, 20 % des effectifs de Graines de soleil sont de confession musulmane. Cette association d’insertion sociale par le maraîchage accueille des personnes en difficulté : réfugiés, jeunes sortant de foyers, femmes isolées faisant suite à des violences conjugales. « Nous produisons et vendons des paniers de fruits et légumes, mais surtout nous faisons de la pédagogie, explique Jonathan Monserat, le producteur qui dirige la structure. Nous expliquons ou réexpliquons le cadre du travail. Dire à un patron, en agriculture ou ailleurs : “Je ne travaille pas car c’est le Ramadan”, ça n’est pas possible. »
Jonathan Monserat n’organise pas de réunion spécifique à ce sujet. Il ne veut stigmatiser personne. Mais chez Graines de soleil, la parole est libre. Sous les serres et dans les champs vingt heures par semaine, les salariés musulmans décident s’ils appliquent leurs règles religieuses et comment. « Même sans boire, leur implication dans le travail est constante », remarque Jonathan Monserat. Certains lui demandent des congés sept jours avant. Selon les besoins et les effectifs, le directeur valide ou non.