1. Le nombre de salariés en agriculture augmente

La France a perdu un quart de ses exploitants agricoles en quinze ans. En parallèle, le nombre de salariés a augmenté, en relatif et en absolu (+2,2 % entre 2010 et 2016). Pour la seule filière laitière, l’étude relève qu’avant même la levée des quotas laitiers, de 2010 à 2014, 13 500 emplois ont disparu : 15 000 exploitants ont arrêté leur activité dans ce secteur. En revanche, 3 600 nouveaux salariés y ont fait leur entrée.

2. La féminisation recule avec l’augmentation du salariat

Contrairement aux idées avancées, la féminisation recule en agriculture. La part des femmes chefs d’exploitation stagne à un quart (28 %) depuis dix ans. Mais leur part reste très minoritaire parmi les salariés dont le nombre augmente.

3. Contrat court, salaire bas : la précarité est forte chez les salariés

Les salariés agricoles sont moins qualifiés, plus précaires et moins bien rémunérés que dans les autres secteurs. La moitié des heures de travail en agriculture est réalisée par des contrats précaires (CDD et contrats de moins d’un an). Ils sont occupés par 80 % des travailleurs salariés.

4. Les plus jeunes et les plus âgés occupent ces postes précaires

Un tiers des salariés qui n’ont pas de CDI ont moins de 25 ans. À leurs côtés, des gens plus âgés, voire à la retraite, occupent aussi ces emplois précaires. Et ceux-là sont de plus en plus nombreux. Des tensions fortes subsistent autour de l’emploi au sein de la profession, notamment entre la qualité du travail et la compétitivité prix des exploitations. La dynamique actuelle est effet celle d’une réduction du coût du travail, à laquelle participent certains dispositifs publics, et l’augmentation des emplois précaires.

5. La délégation intégrale de travaux se développe

12,5 % des exploitants en grandes cultures délèguent intégralement leurs travaux. C’est un chiffre en nette augmentation. La polyculture-élevage n’est pas en reste : dans ce secteur, les éleveurs sont de plus en plus nombreux à externaliser leur seule activité de grandes cultures.

Aujourd’hui et dans les années qui viennent, l’étude montre que les compétences managériales et organisationnelles sur l’exploitation sont essentielles. L’agriculteur doit être en capacité d’organiser le travail. Mais cette compétence est encore insuffisamment détenue par les personnes en situation dans les exploitations. Le managériat est limité, voire redouté. Ainsi, se développent la délégation d’activité et le travail détaché.

6. Le nombre d’exploitations dirigées par des salariés augmente

L’étude constate des formes nouvelles de structures, avec de plus en plus d’exploitations dirigées par un salarié. Les structures où les salariés sont prépondérants représentent 6 % des exploitations, et 14 % de la production nationale. Les formes qui augmentent le plus sont celles de 3 à 6 salariés. Ces structures demeurent toutefois très minoritaires par rapport à la forte dynamique d’exploitants travaillant avec un salarié.

7. Les familles disparaissent à la tête des exploitations

L’augmentation du salariat mais aussi de la délégation de travaux est davantage liée au départ de la famille qu’à celui des exploitants agricoles. Le nombre d’exploitations familiales traditionnelles a diminué de 42 % en quatre ans. L’étude observe une disparition très rapide de ces modèles et un développement très net des modèles avec salariat.

8. La mobilité professionnelle augmente

Les gens partent plus tôt de l’agriculture qu’avant (en 2015, 30 % des départs totaux sont intervenus avant 55 ans), ils s’installent aussi plus tard. On voit beaucoup d’échanges avec d’autres secteurs, comme les services mais aussi le BTP.

9. Les actifs agricoles sont particulièrement exposés au stress

Le secteur est particulièrement exposé aux maladies professionnelles, aux risques psycho-sociaux et aux troubles musculo-squelettiques (il est, sur ce point, à peu près au même niveau que le BTP). Les métiers agricoles font partie des métiers les plus difficiles, même si des avancées remarquables ont été réalisées : il y a soixante ans, on était détruit par le travail agricole, aujourd’hui, ça va mieux, mais il reste un métier difficile. Les actifs agricoles représentent un groupe social très exposé aux facteurs de stress, mais ils ont aussi moins recours à la médecine que les autres secteurs, en particulier à la psychiatrie. Et de fait, les problèmes sont sous-estimés, sous-évalués et sous-déclarés, contrairement à d’autres secteurs.

10. Les exploitations bio emploient davantage de salariés

Si la dynamique actuelle est celle d’une destruction des emplois agricoles, des mécanismes se révèlent protecteurs, comme la diversification des activités et circuits courts, des productions herbagères, de l’agriculture biologique, des innovations agroécologiques, etc. En moyenne, l’agriculture biologique emploie davantage de salariés, notamment du fait de ses diversifications, comme l’accueil à la ferme, les circuits courts, la transformation.

Réalisé par le centre d’études et de prospective du ministère de l’Agriculture, ce travail a mobilisé une quarantaine d’experts, dont une majorité de chercheurs, qui ont croisé leurs analyses économiques, sociologiques et statistiques pendant plus d’un an. Les résultats sont réunis dans l’ouvrage « Actif’Agri. Transformations des emplois et des activités en agriculture » à paraître courant mai. 


Rosanne Aries