La « marque employeur » est-elle juste un concept à la mode ?
La marque employeur est une pratique qui a plus de trente ans d’existence. Elle était plutôt envisagée comme une communication de l’entreprise vers l’extérieur. La première idée quand on parle de marque employeur est de faciliter le recrutement en rendant l’entreprise attractive et séduisante. Aujourd’hui, ce concept change avec les réseaux sociaux. La marque employeur s’impose au chef d’exploitation qu’il le veuille ou non parce que les gens parlent publiquement de lui sur les réseaux comme Facebook, Twitter, Whatsapp, etc.
L’agriculteur est-il condamné à subir sa réputation ?
Avec les réseaux sociaux, la communication va dans les deux sens. À travers eux, les gens vont donner, sans être forcément méchant, une image de l’agriculteur qu’il n’aura même pas voulue. À l’inverse, l’agriculteur peut agir en valorisant ses pratiques d’employeur. C’est la somme de ces contributeurs qui va construire l’image et la notoriété de l’exploitant.
En quoi est-ce différent de la communication ?
Il serait assez dangereux de confondre la marque employeur avec la communication dans le sens où la première ne tolère pas l’approximation. Le chef d’exploitation ne peut pas se prévaloir de valeurs qu’il n’appliquerait pas sur sa ferme au quotidien. Les salariés percevraient immédiatement cet écart entre les valeurs affichées et les pratiques quotidiennes. Ils feraient assez rapidement connaître leur déception autour d’eux. Ce qui serait désastreux pour l’agriculteur.
Si l’agriculteur n’est pas sur les réseaux sociaux ?
Même si l’employeur n’est pas lui-même sur les réseaux sociaux et qu’il ne veut pas en entendre parler, ça n’empêche pas qu’on parle de lui sur ces réseaux. Il existe même des réseaux où les salariés peuvent évaluer l’entreprise, partager leurs niveaux de salaire, etc. L’exploitant est évalué même s’il ne le veut pas.
La marque employeur s’applique-t-elle aux petites entreprises ?
Contrairement à l’intuition courante, la marque employeur s’applique encore plus aux petites entreprises qu’aux grandes. L’image des petites entreprises est extrêmement dépendante des valeurs du dirigeant. Les exploitations agricoles sont à taille humaine. Elles sont donc focalisées sur les valeurs humaines.
Dans la construction de la marque employeur des exploitations, une partie repose sur la puissance collective pour valoriser le métier et l’agriculture. Mais une partie repose aussi sur les épaules de l’exploitant. Affirmer en quoi il se démarque des autres, c’est ce qui va attirer naturellement les candidats qui veulent travailler sur sa ferme.
Avec quel indicateur juger la qualité de la marque employeur ?
La qualité d’une marque employeur est difficile à évaluer avec un indicateur simple. Elle fait partie du capital immatériel de l’exploitation. En revanche, certains effets sont repérables à moyen et long termes. Si l’agriculteur embauche beaucoup d’intérimaires, il verra diminuer ses coûts d’intérim.
S’il emploie des bons techniciens dans des métiers avec une forte compétence technique, comme la mécanique par exemple, il verra diminuer ses mauvaises expériences de recrutement. Il verra aussi diminuer les départs parce que les valeurs des salariés, attirés en premier par sa marque employeur coïncideront aux siennes.
Comment construire sa marque employeur ?
Chaque exploitation possède sa propre identité construite par l’engagement du dirigeant dans les relations humaines internes (management, sens du travail, salaire, formation…) et externes (fournisseurs, vie locale, vie associative). Chercher sa marque employeur est une opportunité de différenciation.
La méthode que nous employons avec nos adhérents au CDER commence par clarifier l’identité de l’entreprise, puis à interroger le chef d’exploitation sur la vision qu’il a de son avenir, et enfin à en dégager les valeurs qui caractérisent son entreprise. La marque de l’employeur, c’est la cohérence entre les valeurs qu’il affiche et les valeurs qu’il pratique au quotidien.
Les salariés participent-ils à la marque employeur ?
Ce ne sont pas les salariés qui la définissent, mais ils en seront les premiers représentants et les premiers à la porter au loin. Sur les réseaux sociaux ou avec leurs amis proches, ils parlent de leur travail. Ils partagent donc aussi les valeurs de l’exploitation. Mais il faut aussi revenir au moment du recrutement de ces salariés. Si l’exploitant communique sur ses valeurs, il attire des candidats qui partagent ces valeurs et qui se sentiront bien sur l’exploitation. Ils porteront d’eux-mêmes l’image de l’exploitation.
Crée-t-on une image idéale qui ne pourra que décevoir ?
Il n’existe pas de modèle imposé de l’employeur idéal. Par exemple, certains salariés ont besoin d’autonomie et d’autres ont besoin d’un encadrement serré. Aucun n’est meilleur ou moins bon. Il faut juste qu’ils soient chacun dans une exploitation qui leur correspond. C’est l’intérêt de travailler à froid sa marque employeur : elle aide à recruter des salariés en accord avec leur employeur.
Est-ce de la cosmétique ou de la transparence ?
Ce n’est sûrement pas de la cosmétique. Se contenter de faire des changements superficiels, une sorte de « marketing-washing », c’est aller droit à la catastrophe : le contrecoup de la réputation pourrait être terrible si les salariés étaient déçus par la réalité du terrain alors qu’ils imaginaient autre chose. En résumé, la marque employeur, c’est tout simplement dire ce qu’on fait et faire ce qu’on dit.