Gros virage de la doctrine juridique sur les dispositifs de télésurveillance en entreprise ! La Cour de cassation a condamné une entreprise pour n’avoir pas informé ses salariés de l’existence d’un système de surveillance de son activité. La veille, la Commission nationale informatique et liberté (Cnil) avait mis en demeure une petite entreprise parce que le dispositif de caméras permettait d’observer les salariés. Dans les deux cas, les systèmes de télésurveillance n’avaient pas pour objet principal la surveillance des employés, mais elles permettaient, au passage, de le faire.
En agriculture, il est de plus en plus fréquent d’installer des caméras de surveillance des bâtiments d’élevage ou des entrepôts. Leur finalité n’est pas de surveiller les salariés, mais d’observer les animaux, de repérer à distance les anomalies ou d’alerter en cas d’intrusion. Certes, mais les juges et la Cnil viennent de signifier qu’il n’est plus légal de ne pas informer les salariés de leur existence.
Informer le salarié du système de contrôle
Le 11 décembre 2019, la chambre sociale de la Cour de cassation a rendu son avis dans une affaire qui opposait un salarié à son employeur, un organisme de crédit. Les juges ont reconnu que l’employeur a le droit de contrôler et de surveiller l’activité de son personnel durant son temps de travail. En l’occurrence, l’employeur avait mis en place un système informatique de contrôle des procédures qui permettait aussi de surveiller l’activité des salariés. Mais il n’avait ni informé au préalable les salariés ni consulté le comité d’entreprise. Les juges ont estimé ce moyen illicite en l’absence de cette information des salariés.
Cet arrêt complète un précédent arrêt de 2006 qui affirmait déjà que les preuves contre un salarié étaient illicites si le salarié n’avait pas été informé au préalable de l’existence d’un système de surveillance. Mais, cette fois-ci, la Cour de cassation étend son jugement à un système dont le but principal n’était pas la surveillance des employés. Elle retourne complètement un de ses précédents arrêts de 2000 où elle avait estimé qu’un tel contrôle ne pouvait pas être assimilé « à un recours à une preuve illicite ».
Dans ce cas, le système de traçabilité, là encore d’un établissement bancaire, ne permettait pas de séparer la nécessaire surveillance des procédures de celle de l’activité des salariés. Comme la finalité du logiciel n’était pas le contrôle des salariés, l’employeur pouvait se dispenser de les informer de sa mise en place. C’est cette distinction dans les finalités que la Cour de cassation vient de réduire à néant.
> À lire : L’arrêt de la Cour de cassation.
Pas de vidéosurveillance non justifiée
La veille, le 10 décembre, la Cnil a rendu publique la mise en demeure qu’elle adressait à une petite entreprise de la Haute-Garonne. Dans cette boutique de sept salariés, la Cnil a dénombré quatorze caméras dont deux qui filmaient en permanence la caisse et l’entrepôt interdit au public. Les images étaient accessibles en temps réel et le gérant pouvait les consulter à distance avec un banal protocole http.
La Cnil rappelle que la surveillance permanente des salariés est attentatoire à la vie privée, quand bien même l’objet du dispositif n’était pas celui-là. Elle l’aurait jugée proportionnée uniquement dans des circonstances particulières liées à la nature de la tâche. En l’occurrence, le gérant n’a pas fait valoir de vols, de dégradations, ou d’agressions de nature à justifier cette surveillance constante.
Par ailleurs, la Cnil relève là encore que le gérant n’apporte pas la preuve qu’il avait informé les salariés de l’existence de ces caméras. Il n’avait pas non plus de registre des activités de traitement ni de contrat entre son entreprise et son sous-traitant. La Cnil demande au gérant de redimensionner son système vidéo. Elle n’appliquera pas de sanction dans l’immédiat. En revanche, elle tient à rendre publique sa mise en demeure parce qu’elle reçoit plus de mille plaintes par an dans le domaine de la vidéosurveillance.
> À lire : La mise en demeure de la Cnil.