Jean-Yves Trubert est installé depuis 1984 en tant que naisseur-engraisseur porcin à Pacé, en Ille-et-Vilaine. En 2009, lui et sa femme se trouvent à la tête d’une exploitation de 150 truies sur soixante hectares. « On voulait se développer en augmentant le cheptel. Le problème, c’était le foncier », raconte Jean-Yves Trubert.

Coincé entre un lotissement et une zone non-cultivable, Jean-Yves ne peut acquérir un seul hectare supplémentaire. L’équation semble impossible à résoudre. Mais, en 2009 apparaît une opportunité au magasin de producteursLes 12 arômes, à Betton (Ille-et-Vilaine).

Un premier CDI, comme une évidence

« Le magasin a été le déclic », insiste Jean-Yves Trubert. Parce que le GIE des 12 arômes recherche une viande de porc de qualité, l’agriculteur convertit immédiatement son élevage au label rouge. Les premiers mois, il ne vend que des caissettes de porc, découpées par des prestataires.

Rapidement, faisant suite au départ d’un exploitant, le magasin se trouve dépourvu d’un fournisseur de charcuterie. Jean-Yves et sa femme se lancent donc dans la transformation. « On était en juillet, il fallait être prêt pour le mois d’août », se rappelle l’éleveur. Sa femme suit une formation accélérée au centre de Saint-Exupéry, mais les époux se rendent rapidement à l’évidence : ils ont besoin de main-d’œuvre supplémentaire.

Ils trouvent alors le candidat idéal en la personne du fils d’un éleveur, charcutier sans emploi. « On lui a tout de suite signé un CDI. Nous n’étions pas certains de devenir adhérents du magasin, mais nous avions compris que la transformation était la clé », se rappelle-t-il.

La compétence se paye

En 2010, quand Jean-Yves Trubert devient définitivement adhérent aux 12 arômes, il investit dans un atelier de boucherie-charcuterie complet, et recrute un deuxième salarié. Deux autres recrutements suivront en 2015, avec un développement des ventes dans un autre magasin de producteur. Au total, quatre salariés supplémentaires en quatre ans, sans acquérir un seul hectare.

De son propre aveu, l’exploitant n’a eu aucun mal à recruter. L’industrie de la transformation charcutière n’embauchant plus que des ouvriers peu qualifiés, les artisans diplômés se retrouvent sans emploi. Le défi de l’éleveur n’est donc pas de trouver des employés, mais de les garder. « Il faut proposer des CDI, et mettre le prix », résume-t-il.

Et cela fonctionne : les employés restent sur sa ferme. Sur les quatre postes, en dix ans, Jean-Yves n’a fait que trois recrutements supplémentaires. Un phénomène qui pourrait également s’expliquer par le projet de l’entreprise, centré sur la qualité des produits. « Le dernier employé que j’ai recruté m’a confié qu’il trouvait très valorisant de travailler tout le cochon de A à Z, sans additifs, en circuit court », confie Jean-Yves Trubert.

Équilibrer les profils

Au cours des recrutements, l’éleveur est resté attentif à équilibrer les profils entre boucherie et charcuterie. « Un charcutier sait découper la vente, mais l’inverse est moins vrai », juge-t-il. S’il est à la recherche de spécialistes, les employés doivent posséder une souplesse essentielle au fonctionnement de cette équipe restreinte. « Les employés doivent rester polyvalents, pour remédier aux absences et aux urgences au magasin », estime-t-il.

C’est lui qui s’occupe des payes, de la gestion des heures, et des absences. Pour organiser le planning, il échange avec ses salariés chaque matin. « La seule exigence, c’est que trois personnes doivent se trouver en permanence sur le site, pour assurer la production, et l’ouverture de la boutique. » Car en plus de fournir deux magasins, les Trubert ont également créé une boutique supplémentaire au sein de leur ferme, tenue par leurs bouchers charcutiers.

Se fixer de nouveaux objectifs

Le circuit court a tellement le vent en poupe que les 12 arômes prévoient pour leur part d’ouvrir un second magasin. Parallèlement, Jean-Yves Trubert a accueilli dans sa ferme deux nouveaux associés. Son fils et un voisin, qui, avec 80 hectares supplémentaires, permettront d’augmenter sa production de porc en label.

Du côté de la transformation, Jean-Yves envisage donc déjà un nouveau recrutement. « Nous passerons à cinq salariés, pour transformer 500 porcs supplémentaires. Après, nous n’irons pas plus loin. Le but ce n’est pas de grossir à tout va. C’est juste de garantir des revenus pour les agriculteurs, et de payer décemment les employés. »

Ivan Logvenoff