Le point le plus novateur de la nouvelle convention collective nationale de la production agricole réside dans la méthode de classification ou de repositionnement des employés dans la nouvelle grille.
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Poser à plat les tâches habituelles
C’est le point qui aura le plus d’impact sur l’exploitation. Ce classement détermine le salaire minimum qui s’applique, donc le coût salarial pour l’employeur. Il est aussi un instrument du dialogue social. Il aide à se réinterroger sur le périmètre du poste, en posant à plat les tâches habituelles. Il permet aussi de mieux faire comprendre les attendus de l’employeur.
Enfin, il assure une meilleure transparence de l’information puisque la convention collective nationale est valable partout en France, quelle que soit la production, et que sa diffusion publique est assez facilement accessible par le bulletin officiel des conventions collectives nationales publié avec le Journal officiel.
Être en règle le 1er janvier 2021
La fiche de paye de janvier 2021 devra être en règle avec la nouvelle convention collective nationale dès la publication de son arrêté d’extension, attendue par la profession pour le 31 décembre 2020.
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Faire référence à la bonne convention collective nationale
Il faudra inscrire le bon numéro de la convention collective nationale sur la feuille de paye. Celui-ci n’est pas encore connu. Il le sera au moment de la publication au bulletin des conventions collectives nationales.
La convention collective nationale s’applique pour les exploitations françaises consacrées à la production agricole. Légalement, la production agricole s’entend au sens de l’article L722.1 1° et 4° du code rural.
Cette convention concerne aussi les Cuma. À l’inverse désormais, les entrepreneurs de travaux agricoles ne font plus partie de la même convention collective parce qu’ils ont leur propre texte à partir de 2021 eux aussi.
En conséquence, les exploitations agricoles ou les Cuma qui ont aussi une activité de travaux agricoles doivent choisir dans quelle convention collective nationale elles s’inscrivent.
Les évolutions de la convention collective nationale ne sont plus entre les mains du préfet mais de celles du ministère du Travail. Pour autant, le dialogue social territorial, qui se traduisaient par les conventions locales, n’est pas mort.
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Différencier ce qui reste des conventions locales
Les 140 conventions collectives locales ne disparaissent pas, même si elles n’ont plus la valeur de convention collective. Elles deviennent des accords collectifs étendus. La convention collective nationale définit donc le minimum social partout en France mais les accords collectifs locaux s’appliquent sur certains points (pas sur la rémunération) s’ils sont plus favorables au salarié.
L’employeur devra toujours vérifier avec son accord en local et appliquer la règle la plus favorable au salarié, en particulier sur les points qui relèvent de ces accords collectifs historiques et qui ne sont volontairement pas abordés par la convention collective nationale : prime d’ancienneté, treizième mois, primes diverses, avantages en nature (logement, en particulier).
Au passage, à l’occasion de la signature de la convention collective nationale, les partenaires sociaux ont signé un nouvel accord national sur la retraite supplémentaire des non-cadres de l’agriculture, qui se traduit par une cotisation patronale supplémentaire.
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Classer les compétences
Le principal changement est la redéfinition de la grille des compétences. La redéfinition n’est pas un mot trop fort parce que c’est une véritable révolution qui s’applique : la classification des emplois n’est plus guidée par un métier mais par des degrés de maîtrise de cinq critères clés, toujours plus ou moins mis en œuvre dans chaque emploi.
Le changement est si important qu’il n’existe pas de grille de transposition entre les anciennes conventions collectives locales, déjà très diverses, et la nouvelle convention collective nationale. C’est donc une remise à plat que l’exploitant doit faire.
C’est un travail important qui se mène avec méthode. Il est plutôt conseillé d’y consacrer un temps spécifique sans être dérangé. Finir cette première étape, c’est déjà faire un gros travail pour s’approprier la méthode.
En premier, l’employeur liste les missions significatives que le salarié exerce. Il n’est pas toujours évident de mettre des mots sur des tâches quotidiennes qui évoluent au fil de l’eau.
Pour s’inspirer, l’employeur peut se pencher sur la fiche du poste, éventuellement se tourner vers la rédaction de l’offre d’emploi rédigée avant l’embauche.
L’Anefa ou les Cuma éditent des fiches par métier qui listent les compétences mobilisées. Mais il ne faut pas confondre les finalités : ce n’est pas une fiche de poste ou une offre d’emploi qui est rédigée à ce moment-là.
Quoi qu’il en soit, l’objectif est de valoriser les compétences et pas la personne. L’employeur devra faire abstraction de la personnalité et de l’expérience de son salarié. Quand il y réfléchit, il doit se sortir de la tête l’individualité du salarié qui occupe le poste pour le moment.
Ensuite, l’employeur évalue le degré de maîtrise dans chaque critère clé défini par la convention collective nationale :
* Technicité (c’est-à-dire les savoir-faire techniques propres à chaque métier) ;
* Autonomie (c’est-à-dire la latitude et la marge de manœuvre laissées au salarié) ;
* Responsabilité (c’est-à-dire le respect des normes et la prise en compte des enjeux économiques) ;
* Management (c’est-à-dire l’étendue et l’exercice réel des activités d’encadrement) ;
*Relationnel (c’est-à-dire les rapports avec les partenaires aussi bien internes qu’externes, à différencier des activités déjà prises en compte dans le management).
Chaque critère est examiné même si on pouvait penser a priori qu’il ne concerne pas l’emploi. Cette analyse peut faire apparaître des compétences qu’on avait négligées par la force de l’habitude.
Par exemple, un agent d’élevage fait spontanément penser à la technicité et l’autonomie. Pas forcément au relationnel parce qu’il est seul avec les vaches toute la journée.
Mais, s’il s’occupe de la participation de l’élevage aux concours agricoles, qui sont importants pour l’élevage, il met en œuvre ses qualités relationnelles. Elles doivent être évaluées alors qu’on n’y aurait pas pensé au départ.
L’affectation d’un degré n’est pas une science exacte et demande un engagement de l’employeur. Mais il doit le faire avec le maximum d’objectivité et d’honnêteté possible.
Le degré de maîtrise de chaque critère renvoie à un nombre de points. Chaque degré n’a pas le même poids dans un critère que dans l’autre. Il faut donc se référer aux grilles contenues dans la convention collective nationale. C’est en additionnant le nombre de points des cinq critères qu’on détermine le coefficient dans l’emploi, clef de voûte de la rémunération minimale.
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Appliquer la rémunération minimale
Le coefficient reflète la réalité de l’emploi exercé grâce à la méthode ci-dessus. Il se traduit par un chiffre unique. C’est ce chiffre qu’il faut replacer au sein des paliers contenus dans la convention collective nationale. À chaque palier correspond une rémunération horaire minimale.
À ce stade, il reste encore à l’employeur à vérifier dans quelle catégorie socioprofessionnelle s’inscrit le salarié : technicien, agent de maîtrise ou cadre. Ces trois catégories déterminent le régime de protection sociale dont il relève.
Cette catégorie s’obtient par le coefficient d’une part, mais aussi d’autre part par l’atteinte de certains degrés dans les critères classant. Par exemple, pour être cadre, il faut bien sûr obtenir un coefficient qui traduit l’excellence du salarié dans le métier mais aussi obtenir des degrés élevés dans la technicité, l’autonomie ou le management.
Bien sûr, cette exigence diffère selon les métiers. Si la méthode de valorisation fait apparaître que le salarié relève d’une catégorie socioprofessionnelle inférieure à celle qu’il avait avec les précédentes conventions collectives, il conserve son classement.
Technicien | 74 points ; minimum degré 4 dans le critère technicité ; degré 3 en critère responsabilité ou autonomie |
Agent de maîtrise | 105 points ; minimum degré 3 dans le critère autonomie ; degré 3 en critère management ou 4 en technicité |
Cadre | 197 points ; minimum degré 4 dans le critère autonomie ; degré 3 en critère management ou technicité |
Il existe d’autres points dans la convention collective nationale (temps de trajet, travail de nuit…) qui seront abordés plus tard dans La France Agricole Employeur mais qui sont déjà abordés dans les formations prodiguées par les centres de gestion, les experts-comptables ou les syndicats.