Pour récolter ses kiwis en novembre, Jean-Marc Poigt a besoin de vingt ramasseurs pendant deux jours. L’embauche pour ces missions courtes reste problématique et il s’organise avec d’autres exploitants pour fidéliser une équipe sur deux semaines.

Depuis une quinzaine d’années, des saisonniers itinérants, portugais et espagnols pour la plupart, proposent leurs services. Cette main-d’œuvre est la bienvenue pour les agriculteurs, mais leur mode de vie dans des camions plus ou moins aménagés pose des problèmes de salubrité et de cohabitation avec les habitants locaux.

Deux sites en fonctionnement

Le phénomène empirant, la communauté de communes du Pays d’Orthe et Arrigans a décidé en 2018 d’aménager des aires. Aujourd’hui, deux sites fonctionnent, distants d’environ cinq kilomètres l’un de l’autre, sur deux communes différentes, l’un sur un terrain privé d’un kiwiculteur, l’autre sur un terrain communal. Un troisième projet vient d’être budgétisé.

Chaque site est conçu pour l’accueil d’une quarantaine de personnes. Il comprend un bungalow sanitaire et des branchements électriques. Le personnel de la communauté de communes se charge de la logistique (installation, désinstallation) et de l’entretien. En période d’activité (à l’automne pour la récolte mais aussi au printemps pour l’éclaircissage), l’accès est libre et gratuit. Hors saison, les bungalows démontés peuvent servir aux communes pour d’autres usages et les aires sont fermées (clôtures et barrières) pour éviter des installations intempestives — comme les gens du voyage, par exemple.

Microstation d’épuration

D’une année sur l’autre, les aires évoluent pour répondre aux réalités du terrain : mise en place de container à déchets, empierrement du sol, installation d’une microstation d’épuration et peut-être bientôt un abri tunnel équipé d’un souffleur pour sécher le linge mouillé…

« Notre grand problème reste de trouver des terrains aménageables, tout proches des zones d’embauches mais suffisamment éloignés des habitations, explique Jean-Marc Poigt. Une microstation implique en plus d’avoir un terrain reconductible. Mais c’était un investissement nécessaire car la vidange des cuves par une entreprise de pompage se révèle compliquée à gérer et, à long terme, coûteuse. »

L’investissement est de l’ordre de cinquante mille euros par aire (dont 25 000 € pour la microstation), hors coûts de fonctionnement. Les frais sont partagés à parts égales entre la communauté de commune et l’organisme de défense et de gestion (ODG) du Kiwi de l’Adour. Une facture qui se répercute sur les cotisations des adhérents — stations fruitières et coopératives — et des agriculteurs : « Un coût de quelques centimes par kilo de kiwis que nous acceptons car nous avons besoin de main-d’œuvre et ces saisonniers travaillent plutôt bien », explique Jean-Marc Poigt, par ailleurs président de l’ODG.

Lieu d’échanges

Le recrutement des saisonniers n’est pas pour autant complètement résolu : « Nous devons faire face à un turn-over permanent, reconnaît le producteur. Alors ces aires deviennent aussi des lieux d’échanges pour embaucher. Certes, ce serait plus facile s’ils acceptaient d’intégrer un système de recrutement, type agence d’intérim ou groupement de travailleurs saisonniers… Mais ce genre de fichage ne colle guère avec leur philosophie de vie ! Alors nous travaillons en partenariat avec une ancienne saisonnière itinérante qui, localement, a monté une association pour aider ces travailleurs dans leurs démarches et leurs besoins. »

Ces aires d’accueil deviennent un lieu où les voyageurs se posent le temps d’une mission. « Au début, les camions s’installaient sur nos exploitations. Une solution qui convenait bien à tout le monde ! Mais les règles de l’inspection du travail sont tellement exigeantes que nous ne pouvons plus les accueillir… à moins de faire des investissements impossibles à amortir ! »

Autre problème, sociétal celui-là, « c’est l’absence d’un vrai statut pour ces jeunes travailleurs itinérants », regrette le kiwiculteur.

Hélène Quenin