Devenir le manager du salarié qui nous a vu grandir est un challenge. Mickaël Portevin, agriculteur à Beine-Nauroy (Marne), le voit comme une opportunité depuis qu’il est revenu sur l’exploitation familiale, il y a un peu plus d’un an.

Salarié depuis 28 ans

« J’ai d’abord repris la gestion de la ferme lors du départ en retraite de mon père, en décembre 2015, tout en conservant mon travail dans une entreprise agroalimentaire », explique-t-il. C’est alors Alain Chevé, salarié de l’exploitation depuis le 1er mars 1991, qui réalise une grande partie des travaux des champs.

« Il m’a aidé à me mettre en route »

Mickaël démissionne de son emploi en septembre 2018. De retour à la ferme, il s’appuie sur l’expérience d’Alain pour appréhender son nouveau métier. « Je suis revenu au moment des semis d’automne, se souvient-il. Je n’avais jamais utilisé un semoir à grains. Alain m’a aidé à me mettre en route. De même, je n’avais pas labouré un champ depuis quinze ans, j’avais besoin de quelques tuyaux. » Et les bons tuyaux, le salarié les connaît.

« Il me facilite le quotidien »

« Le fait d’avoir Alain à mes côtés me facilite le quotidien. Il m’explique des choses : j’aurais pu les trouver en regardant des vidéos sur internet ou en potassant des manuels, mais j’apprends beaucoup plus vite grâce à lui. Il a en tête les astuces et les détails. Il sait où se trouve telle pièce ou tel outil et comment les régler. Je gagne beaucoup de temps. »

Un salarié très disponible

Le salarié a pris sa retraite en 2014 et la cumule aujourd’hui avec un contrat salarié intermittent. Il alterne les périodes de travail et celles de repos et son revenu est lissé sur toute l’année. « À la moisson, pendant la période des semis et celle de l’arrachage des betteraves, on a besoin d’être au moins deux », souligne-t-il.

Alain habite à quelques centaines de mètres de la ferme et se rend facilement disponible. « On établit rarement un planning sur plusieurs semaines, commente Mickaël. Je le sollicite parfois la veille pour le lendemain, par l’envoi d’un SMS ou en l’appelant, il est très disponible. »

Complémentarité

Au-delà du corps de ferme, le salarié connaît également par cœur le parcellaire et les caractéristiques de chaque champ. « Je sais où se situent toutes les bornes », reconnait-il modestement, sans vraiment se rendre compte qu’il transmet beaucoup de choses à son employeur. « Je lui montre des bricoles. Il regarde une fois et ensuite il sait le faire. Il apprend vite. Et il y a des choses que je suis incapable de lui apprendre, comme utiliser un GPS par exemple. » L’apprentissage se fait donc dans les deux sens.

Mickaël (à droite), montre à Alain comment se servir de l’application de traçabilité installée sur leurs téléphones depuis quelques semaines. © B. Quantinet

Toujours apprendre même à 69 ans

Le retour de Mickaël est synonyme de modernisation de l’exploitation, ce qui ne semble pas bousculer Alain. À 69 ans, il ne rechigne pas à apprendre de nouvelles choses. Il y a quelques semaines, Mickaël lui a installé sur son smartphone une application liée à la traçabilité. Un engin télescopique a aussi rejoint le parc matériel de la ferme. Alain compte bien le prendre en main pour continuer à épauler Mickaël.

Moments conviviaux

« Nous ne sommes pas dans une simple relation employeur-salarié », reconnaît le jeune installé. Nous nous connaissons depuis de nombreuses années et une relation amicale existe entre nous. Nous partageons régulièrement des moments conviviaux où nous parlons du travail, mais pas seulement. »

Si c’est Mickaël qui tient les rênes de l’exploitation, il n’hésite pas à demander l’avis d’Alain lorsqu’il n’est pas sûr de lui, même dans ses choix de gestion. « Notre broyeur nous a lâchés il y a deux semaines. Nous avons regardé ensemble quel outil pourrait le remplacer. »

Bertille Quantinet