Installé à Cigogné (Indre-et-Loire), Benoit Latour embauche, avec son voisin, près de 160 saisonniers, chaque mois de juillet pour la castration des maïs semence. Cette année, au milieu des lycéens, il a accueilli cinq réfugiés : deux Afghans, un Géorgien, un Soudanais et un Mauritanien.

« Prendre appui sur une association efficace »

Cet essai a eu lieu en partenariat avec l’association tourangelle Entraide et Solidarités, comme l’explique Benoit Latour. « L’association s’occupe de régulariser leur situation, de leur trouver un logement et un permis de conduire et de leur apprendre le français. Cet accompagnement est structuré et professionnel. Il nous permet de nous focaliser seulement sur le travail. Prendre appui sur une association efficace est une des clés de réussite de l’intégration des réfugiés. »

Autre point essentiel : la logistique. Un des réfugiés possède un permis provisoire et joue le chauffeur pour transporter ses coéquipiers, logés à Tours, à environ 25 minutes de la ferme. Pour la campagne des maïs, le chauffeur était très motivé et ponctuel. S’il n’avait pas assidu, il aurait compromis l’engagement de toute l’équipe…

Une situation à présenter

Chaque année, Benoit Latour dispense une journée de formation aux « chefs de champs » (personnes expérimentées) et aux chefs d’équipe qui supervisent un groupe d’une douzaine de personnes. Cet été, en plus de l’intervention des pompiers sur les dangers des piqûres ou du soleil, il a introduit la présence des étrangers. « Les jeunes ne voient des réfugiés qu’au journal de 20 heures. J’ai simplement expliqué que c’était des personnes comme nous. Il n’y a eu aucune appréhension, ni de réaction raciste », se souvient Benoit.

Une intégration grâce aux repas

À midi, tous les saisonniers mangent ensemble. Au bout de quelques jours, des liens se tissent et l’ambiance est conviviale. Les réfugiés sont bien intégrés. Même si la langue reste une barrière — un seul parlait français — des signes d’échange ne trompent pas, comme lorsque les Afghans apportent du thé de leur pays. Motivés et compétents, les cinq étrangers sont restés toute la campagne.

L’intégration des réfugiés dans les équipes habituelles de lycéens passe beaucoup par les repas partagés. © Terre de Touraine

Ancien volontaire en Afrique, Benoit Latour sait que la confrontation de deux cultures peut choquer. En 2016, il avait embauché trois Irakiens. Il avait créé une équipe uniquement d’hommes pour éviter les regards insistants envers les femmes. « Les réfugiés ont des parcours de vie souvent extraordinaires pour nous. C’est l’occasion pour les jeunes lycéens, qui travaillent avec eux, de s’ouvrir à d’autres cultures », souligne Benoit, qui a accueilli les réfugiés plus par conviction que par manque de main-d’œuvre.

Des réfugiés dans les vignes

Depuis cet essai positif, le groupement d’employeurs de Touraine (130 agriculteurs — 90 000 heures) a embauché cinq réfugiés pour les vendanges à Amboise. Avec le syndicat UDSEA37, ils ont signé une convention avec Entraide et Solidarités. L’objectif de l’association est d’accompagner 150 réfugiés par an.

Aude Richard