Couleurs Paysannes, un magasin de 80 producteurs situé à Valensole (Alpes-de-Haute-Provence) est animé par une coopérative de 50 membres et 26 salariés. Nous les avons rencontrés pour comprendre comment ils décident ensemble des nouvelles orientations.

Clé numéro 1 : organiser les pouvoirs

Avec autant de producteurs et de salariés, il est nécessaire de bien définir les pouvoirs de chacun. « Au conseil d’administration que nous tenons tous les mois, nous prenons les décisions courantes : investissements inférieurs à 50 000 euros, embauches, licenciements, etc. Il est rare que nous ne soyons pas d’accord. Nous sommes neuf agriculteurs, six hommes et trois femmes, représentant les différentes productions », explique Christophe Roduit. Ce producteur de pommes et poires à Valensole préside le conseil d’administration de la coopérative Couleurs Paysannes.

Cet éternel optimiste ne s’économise pas et consacre au moins trois heures par jour à cette entreprise collective dont le premier magasin a ouvert en juillet 2012 à Valensole. Un second a suivi à Manosque et un troisième à Venelles (Bouches-du-Rhône). Le chiffre d’affaires de cinq millions d’euros est l’un des plus beaux succès de la vente directe en France. Deux salariés assistent aux conseils d’administration : Marion Blanc, responsable du magasin depuis plus de deux ans, et Lionel Maddi, en charge du marketing et de la communication.

Clé numéro 2 : structurer les discussions

C’est à travers les réunions du conseil d’administration que les décisions se prennent, même si les discussions ont déjà commencé de façon informelle au quotidien. Les neuf membres du conseil d’administration ont entièrement confiance dans les compétences des salariés. Marion Blanc propose des idées pour intéresser la clientèle aux produits. Elle gère le personnel du magasin et l’organisation des permanences que les producteurs assurent une demi-journée deux fois par mois.

Lionel Maddi a carte blanche pour choisir les supports publicitaires et créer le nouveau site internet lancé au début de 2020. « Il a été décidé de suspendre la vente en ligne de produits, qui était trop diffuse », explique-t-il. À chaque étape, il a présenté au conseil d’administration les maquettes du nouveau site vitrine, afin de recueillir les avis avant de poursuivre et finaliser.

Parfois, cette mécanique n’est pas adaptée aux projets particuliers qui sont plus techniques ou qui demandent un engagement différent.

Le dernier chantier important a été la création du snack. Les échanges ont débuté en 2018. Puis, une commission réunissant quatre producteurs et deux salariés a travaillé pour mettre en place le projet. Un business plan incluant l’agrandissement des locaux de 150 m² a été voté lors de l’assemblée générale annuelle qui réunit la majorité des coopérateurs au mois de juin. Les décisions et les investissements importants — l’entrée d’un nouveau producteur, une démission ou l’agrandissement du parking — sont débattus et validés en AG extraordinaire. Le snack fermier où travaillent trois personnes a ouvert en mars 2019.

« Nous avons également la réunion des chiffres, en février. Nous faisons un bilan des activités, nous donnons des indications sur les rayons du magasin qui fonctionnent le mieux, et les pistes de progression possible », précise Christophe Roduit. Une commission en charge du prix et du produit permet d’accompagner les augmentations de tarifs et d’éviter la surconcurrence entre producteurs. La règle d’or chez Couleurs Paysannes : beaucoup communiquer.

Clé numéro 3 : la convivialité au quotidien

Les conversations qui ne sont pas encadrées font émerger des éléments plus subtils, comme le sentiment des clients ou l’humeur quotidienne des salariés. La communication se fait au quotidien de façon informelle : « Je viens au magasin, je discute et je blague un peu, ça fait partie de ma journée », reconnaît volontiers le maraîcher Gilles Rabanin, qui aime faire rire ses collègues quand il livre ses produits frais.

« Le matin à 7h30, autour d’un café, nous nous retrouvons entre salariés et producteurs et nous discutons dans un esprit de famille bienveillant », raconte Marion. Cet état d’esprit est impulsé depuis le début par les membres du conseil d’administration. « Un groupe ne fonctionne bien qu’avec de la complicité. Il n’y a pas de béni-oui-oui, ni de ronchon pessimiste, sinon nous n’avancerions pas », ajoute Christophe Roduit.

Alexie Valois