Face à la pénurie de main-d’œuvre, un chef d’exploitation doit tout en mettre en œuvre pour garder son salarié, d’autant plus quand il trouve la perle rare. Mais attention, l’époque où un salarié agricole réalisait toute sa carrière sur une même exploitation semble révolue. Il va donc falloir redoubler d’effort pour lui donner envie de rester.

Comment faire pour conserver ses salariés et quelle attitude adoptée face à des profils très variés ?

Pour Stella Hans, le management collaboratif, qui permet d’intégrer ses salariés dans la vie de l’entreprise et de leur faire aimer leur travail, est une première réponse.

Quatre générations avec une vision du travail différente

« Il y a actuellement quatre générations susceptibles d’être embauchées sur une ferme », souligne l’experte :

  • les baby-boomers, qui ont 56 ans et plus ;
  • la génération X, composée de personnes nées entre 1964 et 1980 ;
  • la génération Y, de 1981 à 1995 ;
  • la génération Z de 1996 à 2001.

« Ces générations sont ainsi catégorisées car elles ont évolué dans un contexte à la fois économique, politique et social différent, qui rend leur vision du monde, et par la même occasion du travail, bien différente. »

Et les clichés concernant ces profils et leur approche du travail vont d’ailleurs bon train. D’un côté, « les jeunes travailleurs ne sont pas courageux. Ils ne sont pas concentrés et pianotent toujours sur leur téléphone. Ils pensent tout savoir… » De l’autre, « les plus anciens connaissent la valeur du travail. Ils ne comptent pas leurs heures… » Chacun y va de ses préjugés, d’autant plus quand la situation s’envenime. Mais il est essentiel de faire taire ces a priori, et de s’adapter à la situation.

Écouter, échanger

« Il faut bien comprendre que ces salariés d’âge différent n’attendent pas tous la même chose de leur travail. Les jeunes générations veulent trouver un métier avant tout qui a du sens et dans lequel ils se sentent utiles », explique Stella Hans. Il apparaît essentiel de ne pas uniquement leur donner des ordres. Ils attendent aussi qu’on soit à leur écoute, lors d’un entretien annuel, mais aussi quasi au quotidien. La possibilité de communiquer, d’échanger avec le chef d’exploitation doit leur être donnée.

Il est envisageable de prévoir un créneau chaque semaine consacré à un temps d’échange avec son équipe.

La pause-café est un moment de convivialité qui peut permettre d’échanger sur les soucis que rencontrent les salariés au quotidien. © Thierry Pasquet

Le salaire ne suffira pas pour fidéliser

« Si le salaire est un élément qui reste important pour l’employé, le fait d’être associé à certaines décisions, sur la conduite d’une culture par exemple ou l’utilisation d’un matériel, d’entendre que le travail est bien fait et de partager des moments conviviaux sur son lieu de travail (pause-café, repas d’équipe) sont des éléments très importants », conseille Stella Hans.

Les générations les plus anciennes n’ont pas été habituées à ce mode de fonctionnement, mais il est peu probable que cela ne leur convienne pas. « Il s’agit de manager ses équipes de façon collaborative, en laissant chacun s’exprimer occasionnellement et en étant bienveillant à leur égard. »

Chacun apporte sa pierre à l’édifice

Stella Hans poursuit. « L’expérience des salariés les plus anciens leur permet d’être de bons conseils, notamment auprès d’un chef d’exploitation plus jeune. À l’inverse, les jeunes générations, très à l’aise avec les outils connectés peuvent transmettre leur savoir à leur responsable, mais également aux autres salariés d’une génération différente. Les méthodes de travail évoluent tellement vite, l’employeur de main-d’œuvre n’a pas toujours la solution à tout. Elle peut venir de ses collaborateurs. » Chacun a donc la possibilité d’apporter sa pierre à l’édifice, dans l’intérêt de l’exploitation.

Apprendre à manager

Le chef d’exploitation a donc un rôle très important à jouer pour assurer le bien-être au travail de ses salariés. « Il doit d’ailleurs montrer l’exemple », insiste Stella Hans. Un agriculteur qui aime son métier doit réussir à transmettre ce « savoir aimer faire ». Le management collaboratif peut paraître chronophage, car il nécessite de consacrer plus de temps à ses salariés, mais « les résultats sont payants ». Stella Hans rappelle enfin « qu’on ne naît pas leader, on le devient. Le management n’est pas inné, il est important de se former pour avoir les bons réflexes pour encadrer ses équipes ».

Bertille Quantinet