Quand un litige survient entre un employeur et son salarié dans leur relation de travail, et qu’ils ne parviennent pas à s’accorder, l’un comme l’autre peut décider de régler le problème devant le conseil des prud’hommes. Conflit autour de la rémunération, requalification en CDI d’un CDD irrégulier, indemnisation pour travail dissimulé, les causes du différend peuvent être multiples. La majorité des demandes font suite à une rupture de contrat de travail. Et la majorité de ces demandes (80 %) émanent du salarié.
Quand le conflit éclate
Dans notre cas, Marc conteste son licenciement et a fait appel à un avocat pour se défendre. Dans un premier temps, son avocat a transmis à l’employeur, Olivier, une lettre le prévenant qu’en l’absence d’issue amiable, une requête serait déposée devant le conseil des prud’hommes. La lettre mentionne un délai de réponse (sous huit à dix jours). Comme Olivier n’a pas donné suite à ce courrier, Marc a déposé une requête devant les prud’hommes. Olivier reçoit ainsi une convocation quelques jours plus tard.
Faire appel à un avocat
« Le premier réflexe pour l’employeur doit être d’appeler son avocat, explique maître Christine Bordet-Lesueur. Il n’est pas conseillé en effet d’aller seul devant le conseil des prud’hommes. Non seulement l’employeur risque de passer à côté de la procédure qui est compliquée, surtout dans le secteur agricole où les contentieux sont complexes, mais de surcroît, si le salarié a lui-même un avocat, les échanges risquent d’être déséquilibrés. Le droit du travail est une vraie spécialité, la loi change souvent, il y a aussi de la jurisprudence… Et on est quand même dans une procédure écrite. Il n’est donc pas conseillé de s’engager seul. Si l’employeur ne connaît pas d’avocat, les prud’hommes disposent d’une liste. Mais il est aussi possible pour lui de regarder sur internet ou de demander à son expert-comptable ou encore à son syndicat. Seul point important : il doit être spécialisé en droit du travail. »
Le conseil des prud’hommes de Chartres © R. Aries/GFA
Préparer son dossier
À la demande de son avocat, Olivier a constitué un dossier : le contrat de travail, les derniers bulletins de salaire de Marc, tous les échanges de courrier ou de SMS qu’ils ont pu avoir. « Il ne faut rien manquer, poursuit Christine Bordet-Lesueur. Si on est sur des contrats saisonniers, il faut bien réunir tous les bulletins de salaire afin d’observer les dates, l’enchaînement des contrats, les arrêts de travail également. L’avocat doit pouvoir examiner tous ces éléments. »
Olivier a classé ses documents par thématique et par chronologie : salaire, arrêt de travail, échange avec son salarié et par chronologie… « Le tri se fait ensuite avec l’employeur et son avocat. Mais il est préférable d’emmener plus que moins : parfois des éléments semblent dénués pour l’employeur, alors qu’ils sont essentiels dans la procédure. »
Par ailleurs, il ne faut rien occulter face à son avocat : « Même si des choses ont été faites en dehors de la loi, il faut prévenir son avocat, afin qu’il soit en possession de tous les éléments. »
« L’avocat écrit alors à la partie adverse pour réclamer les pièces. Une fois les pièces obtenues, l’avocat a l’obligation, lui aussi, d’envoyer les pièces de base à l’autre partie et le bordereau de pièces communiquées au conseil des prud’hommes. »
Devant le bureau de conciliation et d’orientation
Joint à la requête reçue par Olivier, un courrier fixe la date d’audience devant le bureau de conciliation et d’orientation. « L’agriculteur n’est pas obligé d’être présent sur cette partie. Il doit en revanche être absolument représenté. »
Le Bureau de conciliation et d’orientation (BCO) est composé de deux conseillers (un représentant des employeurs et un représentant des salariés). Son rôle est d’essayer de concilier les parties. Faute de conciliation, il renvoie l’affaire devant le bureau de jugement. « Il est toujours préférable de parvenir à s’entendre dès le BCO. Cela dépend aussi de l’affaire et de l’importance des enjeux. Pour certains de mes clients, quelle que soit, la situation, il n’est pas question pour eux de consentir à la demande du salarié. En l’absence de conciliation, la date d’audience pour le bureau de jugement est notifiée aux deux parties. » S’estimant dans son bon droit, Olivier n’a pas souhaité trouver un terrain d’entente avec son salarié. L’affaire se poursuit donc.
© R. Aries/GFA
Devant le bureau de jugement
L’audience est publique. L’apparence peut compter. « Il ne s’agit cependant pas de s’habiller en costume trois-pièces ou avec la tenue du dimanche, mais en jean, avec une veste, ou en pull. En tenue normale et convenable. »
Olivier fait face au bureau de jugement. Aux côtés de son avocat, il a, assis devant lui, deux représentants d’employeurs et deux représentants de salariés, ainsi qu’un greffier. Marc se trouve un peu plus loin à sa droite, avec son avocat.
La salle d’audience du bureau de jugement des prud’hommes de Chartres. © R. Aries/GFA
« La présence des parties n’est pas obligatoire, mais je la conseille fortement. Il est important en effet que le client entende ce qui se dit, c’est essentiel pour sa défense. Il est aussi fondamental que le salarié ne soit pas le seul présent. Il arrive que certains conseils des prud’hommes se trouvent insuffisamment renseignés et posent ainsi des questions aux deux parties. » Pour Maître Christine Bordet-Lesueur, la prudence s’impose alors. « Il faut faire très attention au sens des questions ainsi qu’au sens des réponses. Certaines questions s’avèrent être des pièges. Mais heureusement, l’audience est bien préparée. Surtout si l’employeur ne sait pas répondre, il ne vaut mieux pas dire une bêtise, mais dire qu’il ne sait pas. S’il hésite, son avocat est à ses côtés, non pas pour répondre à sa place, mais pour lui venir en secours. La réponse du client doit être bien comprise. »
Comme à chaque fois, c’est la partie demanderesse qui plaide en premier : l’avocat de Marc commence donc, puis c’est au tour de celui d’Olivier. Quelques questions sont posées à l’un et à l’autre. Les débats sont au clos au bout d’une heure et demie. Le président du conseil des prud’hommes fixe alors une date de délibéré aux deux parties : elle interviendra dans trois mois dans notre affaire.
Le conseil des prud’hommes est constitué de deux représentants d’employeurs et de deux représentants de salariés. Ils sont assistés d’un greffier. © R. Aries/GFA
Faire appel de la décision
Les parties ont un mois pour faire appel de la décision du conseil des prud’hommes, à partir du jour où ils reçoivent la notification du jugement. Attention, cependant, « ce n’est pas parce que l’employeur a la possibilité de faire appel qu’il ne va pas devoir régler les sommes réclamées par son salarié. Pour l’indemnité de licenciement par exemple, intervient une exécution provisoire de droit. Ce qui signifie que même si l’employeur fait appel, il devra la payer. Il existe aussi des exécutions provisoires qui ne sont pas de droit mais prononcée par le conseil des prud’hommes. Alors la décision doit être exécutée, même en cas d’appel. »
Il existe deux cent dix conseils des prud’hommes en France. Une affaire dure entre 8 mois et deux ans, de la saisine par le salarié à la date du délibéré, suivant le tribunal concerné.