Quelle est la durée de vie d’un plan d’actions sur la qualité de vie au travail ?

Tout d’abord, la démarche d’élaborer un plan d’actions consacré à l’organisation du travail permet de s’interroger sur les pratiques collectives de l’entreprise. Son application immédiate porte ses fruits. Comme je suis ergonome de formation, ma méthode est basée sur le travail réel. Je couple des observations de terrain à des entretiens avec les salariés et les employeurs. Je me sers de ce diagnostic pour faire élaborer, avec des méthodes participatives qui sont plus proches du terrain et qui facilitent l’acceptation du plan, des pistes d’amélioration.

Concrètement, elles se traduisent par une série d’engagements à mettre en œuvre. Mais par la suite, le contexte de l’exploitation change : des nouveaux salariés peuvent entrer dans l’effectif, l’évolution des cahiers des charges des acheteurs peut modifier des tâches… Accaparé par d’autres sujets, l’exploitant ne va pas naturellement réinterroger le plan d’actions en intégrant ces nouveautés dès qu’elles se présentent.

Comment un employeur peut-il se forcer à rebondir ?

Une solution est de prévoir, dès le plan d’actions, la mécanique qui permettra d’alerter sur le vieillissement du plan initial. Si l’équipe compte plusieurs salariés, l’un d’eux peut être chargé spécifiquement d’être attentif aux signaux dans l’équipe. L’employeur peut aussi programmer de faire appel à un consultant tous les trois ou cinq ans.

Et il peut inventer des mécanismes originaux. Je connais un groupe d’agriculteurs du Lot qui a créé ce qu’ils appellent un stressomètre : c’est un questionnaire, sur une base scientifique, que leur salarié remplit depuis plusieurs années. Ils connaissent ainsi le niveau de stress, son évolution et ses causes possibles.

Comment distinguer les réelles alertes des signaux qui ont d’autres causes ?

C’est une tâche délicate dans la mesure où le facteur humain est au centre de tout dossier sur la qualité de vie au travail ou les risques psychosociaux. Cette notion n’est pas aussi nettement quantifiable que le niveau de bruit ou le nombre de gestes. Cependant, s’imposer des temps réguliers de réflexion sur l’organisation, grâce aux espaces de discussion sur le travail, est un moyen de faire perdurer les actions en se concentrant sur ce facteur humain.

À quels signes très concrets un employeur doit-il être attentif ?

Les difficultés à recruter, l’impression que le salarié n’est plus impliqué, les conflits entre les personnes… sont des signes qui amènent à se questionner sur l’organisation du travail. Avec le temps, il peut arriver qu’un employeur n’associe plus son salarié dans la réalisation de certaines tâches. En découle alors une perte d’intérêt ou de motivation du salarié qui ne se sent plus impliqué.

Parfois, les salariés le disent eux-mêmes : « Je ne suis plus écouté. » Toutefois, les salariés ne laissent pas forcément paraître de signes de stress sur leur lieu de travail. Les proches sont une source pour les repérer. Dans les faits, c’est un cumul de petits signaux qui sonnent l’alarme plutôt qu’un grand clash.

Le plan d’actions s’adapte-t-il à l’évolution permanente de l’exploitation ?

Un plan d’actions est très utile et rassurant parce qu’il acte factuellement les choses. Mais ce n’est qu’une première étape pour parler d’organisation du travail. Sa présentation sous forme d’un tableau, intégrant des cases à cocher, n’incite pas à la mise à jour pourtant nécessaire. Il est alors essentiel d’inclure, parmi les actions, sa révision régulière.

Propos recueilli par Éric Young