Trois associés, dix-neuf salariés et apprentis. Il faut dire que la famille Ravon a une force sans pareil pour fédérer autour de ses projets. Les six enfants ont attrapé le virus de l’agriculture : ils travaillent sur l’exploitation familiale de la Goulpière aux Sables-d’Olonne, en Vendée, ou se sont installés dans des communes à proximité (1). Aujourd’hui, la fratrie produit, transforme et commercialise ensemble, sous différentes marques, sociétés et produits.
Les deux derniers enfants de la fratrie Ravon : Thomas (vente et RH) et Mathilde (production) sont tous deux salariés sur la ferme. © Rosanne Aries
Des pionniers du bio et du circuit court
« À l’origine, nous sommes des paysans », rappelle Dominique Ravon, le chef de file avec Michèle son épouse et son frère, Patrick. Les volailles, porcs, brebis pour l’un des fils, les chèvres pour un autre ont trouvé leur place aux côtés des vaches laitières au fil des ans. Quelques éleveurs de limousines bio apportent aussi leur contribution.
Et en bout de chaîne : deux ateliers de transformation en viande et en lait ont été montés ainsi qu’un magasin à la ferme qui compte, en plus de l’offre de boucherie-charcuterie et de crèmerie-fromagerie, un pôle pour le épicerie ainsi que des fruits et légumes en provenance de producteurs et du marché (Min) de Nantes métropole. Tous les produits sont issus de l’agriculture biologique.
La famille Ravon a fait le choix de la vente directe dès la fin des années 1990. « Prendre cette orientation était pour nous un gage de qualité. Les consommateurs commençaient à en parler. Et nous avons la chance d’être installés dans une commune touristique qui bénéficie de beaucoup de passages. »
Tracy. Sur le pôle des fruits et légumes du magasin de la ferme Goulpière, on trouve aussi un rayon pour le vrac et l’épicerie. © Rosanne Aries
Phase test obligatoire
Tout ne s’est pas fait en un jour. Et sans l’expertise de Dominique Ravon, président de l’Union nationale des Maisons familiales rurales, en matière de formation, la démarche aurait sans doute été plus longue. C’est une affaire d’audace aussi, puisque la famille n’a pas hésité à aller chercher des compétences en dehors du monde agricole : « Nous recrutons des personnes qui viennent de différents horizons », confirme le chef d’entreprise.
Avec toujours cette même étape pour tous les nouveaux arrivants, enfants comme les autres : un passage par une phase de test, d’apprentissage ou d’alternance pour les futurs salariés et de salariat pour les associés. « Nous avons tâtonné pour constituer l’équipe, se souvient Dominique Ravon. Nous sommes surtout rapidement venus à l’évidence que la formation était incontournable pour nous professionnaliser. »
Céline assure la vente et la préparation des commandes et des marchés. © Rosanne Aries
Sur le pôle laitier : formations intra-entreprises
Il a été en particulier plus difficile pour les Ravon de développer ce pôle de la transformation laitière, en raison de formations quasi inexistantes dans la région. « Il nous a fallu former des gens pour à la fois fabriquer le fromage et pour le vendre. »
Après son BTS agricole et un séjour en Nouvelle-Zélande, l’un des fils, Damien, s’est illustré comme le premier de cordée à la fromagerie de la Goulpière. Il a complété son bagage par une formation à l’Enilia de Surgères (École nationale d’industrie laitière et des industries agroalimentaires), avant de lui-même former les nouveaux arrivants à la ferme, avec un consultant de l’Enilia. Le but : leur faire obtenir le certificat de spécialisation en transformation des produits fermiers.
Originaire du Tarn-et-Garonne, Grégory est le responsable du labo affecté à la transformation laitière à la Goulpière. © Rosanne Aries
« Les premiers ne sont pas restés, poursuit Dominique Ravon. Ils se sont aperçus que le travail était physique et prenant. » Après leur départ, les Ravon ont recruté un responsable de la fromagerie plus expérimenté. « Il avait déjà connu une expérience en labo. » Formé dans une autre exploitation, Gregory, fils d’agriculteurs du Tarn-et-Garonne, a rejoint la Goulpière pour prendre la tête de l’atelier de la transformation laitière.
Il a continué à être formé à la ferme par Damien et le consultant. Il travaille aujourd’hui en CDI. Depuis, suivant le même processus, de nouveaux profils ont rejoint Grégory, notamment Sandrine, affectée à l’élaboration des crèmes-desserts, faisait auparavant de la vente sur l’exploitation de son mari viticulteur.
Mélissa, originaire de l’île de la Réunion, conçoit des fromages aux noms très singuliers tirés de l’imagination et du territoire des Ravon : le sablonnais, le petit olonnais ou encore le goulpier. © Rosanne Aries
Melissa habitait l’île de la Réunion quand les Ravon ont fait appel à ses services. Après avoir obtenu son BTS ainsi que son CS transformation des produits fermiers et avoir effectué un stage en Vendée, elle est repartie vivre sur son île, tout en indiquant être intéressée par un poste de fromagère en métropole.
Via les MFR de la Réunion et des Sables, elle a rejoint l’équipe de la Goulpière. Pour les vendeurs et vendeuses, la ferme passe en général par le réseau des MFR. Pour l’une des vendeuses, elle a dû faire exceptionnellement appel à une société d’intérim « parce que nous ne trouvions personne ». Elle est aujourd’hui en contrat en durée indéterminé (CDI).
Sandrine est responsable notamment des crèmes-desserts. © Rosanne Aries
Coralie a été recrutée pour la vente des fromages. © Rosanne Aries
Sur le pôle de la viande : recrutement de reconvertis
Sur la partie relative à la boucherie, la ferme de la Goulpière a d’abord embauché un jeune boucher qui sortait de formation. « J’avais contacté auparavant des personnes d’expérience, mais ça ne collait pas avec notre entreprise qui commençait juste à se développer, explique Dominique Ravon. Nous avons donc débuté en 2013 avec notre jeune boucher qui est toujours là depuis. »
L’équipe des bouchers-charcutiers de la ferme de la Goulpière. © Rosanne Aries
Le chef de famille a observé un grand changement dans le recrutement aux alentours de 2015. Auparavant, « nous entendions peu parler de personnes en reconversion, souhaitant apprendre le métier de boucher. Aujourd’hui, c’est le cas. Nous avons sur la ferme deux personnes en apprentissage de boucherie. L’une ambitionne de s’installer comme producteur et transformateur de viande. La première passe son CAP de boucher pour maîtriser ses futurs recrutements sur cet atelier.
L’autre personne, producteur laitier, a souhaité arrêter son activité pour devenir boucher, à 40 ans. « L’origine, nous n’étions pas favorables aux contrats professionnels, parce que le coût est plus élevé. Avec lui, nous avons fait cet effort. Depuis, l’ex-exploitant a été embauché en CDI. À la demande des clients, les bouchers sont aussi ceux qui vendent aujourd’hui la viande au magasin.
Aurélien est l’un des bouchers de la ferme. © Rosanne Aries
« Nous formons pour le métier »
L’ensemble de l’équipe est aujourd’hui géré par Anne, l’une des filles, et par Dominique et Michèle, les parents et Thomas, l’un des fils (aussi à la vente). Et comme le dispositif est bien rodé, la famille accueille et forme aussi des exploitants (et souvent des femmes d’exploitant) qui souhaitent lancer leur laboratoire de transformation mais aussi des apprentis qui, ils le savent, partiront pour d’autres fermes.
« C’est aussi ça l’apprentissage, résume Dominique Ravon. Nous ne formons pas que pour nous, mais aussi pour le métier. J’ai été content quand mes enfants ont eux-mêmes trouvé des personnes pour les accueillir et leur apprendre le métier. »
(1) La bergerie du Brandais (Damien), à Talmont-Saint-Hilaire, est spécialisée dans la production laitière de brebis en agriculture biologique et la ferme du Cap’Vert (Julien), à Saint-Mathurin, élève des chèvres poitevines et des vaches bretonnes pie noir (en bio).