« Trente Marocains devaient arriver le 6 avril, pour l’éclaircissage. Quand j’ai su par les médias que le coronavirus obligeait à fermer les frontières, j’ai compris qu’ils ne viendraient pas », se souvient Jacques Giraudeau, du domaine La Valignette (Crau Union) à Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône). Il a vite évalué son problème. Le bureau marseillais de l’Office d’immigration n’a même pas eu à le prévenir. Cette année, il va devoir faire sans les contrats OFI, qui permettent à des Marocains de travailler pendant six mois sur le sol français.
Ce chef d’exploitation est à la tête de 150 hectares de pêchers et abricotiers dans la plaine de la Crau (Bouches-du-Rhône), appartenant à la coopérative Rhoda Coop. Chaque année, il doit reconstituer son équipe qui compte jusqu’à 110 personnes en juillet. Jacques Giraudeau n’est jamais sûr de revoir les mêmes personnes, il a 50 % de turnover d’une année sur l’autre.
Remplacer des habitués
Habituellement, l’hiver, il envoie à Pôle Emploi 30 à 40 offres pour le début de la saison, mais ne reçoit quasi pas de réponses. Par le biais de l’Anefa, il n’a jusqu’à présent recruté que trois personnes.
Son équipe habituelle de Marocains fidèles constituait donc une base stable dans son organisation de la main-d’oeuvre. « Parmi les trente qui devaient venir, 26 étaient des habitués. Ils venaient chez nous depuis une dizaine d’années, connaissaient bien l’exploitation et les tâches. Il y avait un chef d’équipe. Qu’ils ne soient pas là est un vrai manque pour nous. La saison est courte. Pour former quelqu’un, il faut plusieurs semaines. Sans eux, j’estime que notre productivité est affectée de –20 %. Il faudra une dizaine de personnes supplémentaires pour compenser cette baisse », poursuit l’employeur.
Une première recherche à proximité
À la mi-mars 2020, Jacques Giraudeau se met aussitôt à chercher d’autres saisonniers. Il n’est pas le seul à manquer de bras soudainement, et il le sait. Par bouche-à-oreille, il embauche rapidement une dizaine de personnes habitant les communes alentour – Arles, Port-de-Bouc, Port-Saint-Louis-du-Rhône. « Le travail n’est pas compliqué, explique-t-il. Il faut de la volonté, ne pas avoir peur de la pluie, du soleil et des moustiques. »
Salariés espagnols
Afin d’avoir de la main-d’œuvre en nombre, le responsable s’est principalement tourné vers l’intérim espagnol. « Nous travaillons depuis vingt ans, dans les règles, avec un prestataire espagnol. Ses salariés disposent de cartes de séjour espagnoles et sont originaires de la Bolivie, de l’Équateur, du Sénégal ou du Mali », explique Jacques Giraudeau.
Pour l’éclaircissage, il avait besoin d’urgence d’une quarantaine de personnes en avril. Il explique que les premiers bus emmenant les saisonniers ont été arrêtés à la frontière franco-espagnole. Puis que certains sont passés avec les attestations d’employeurs. 25 personnes devaient arriver de l’Espagne le 4 mai, et une autre vingtaine au début de juin, via le même prestataire.
Constituant des équipes à part, les intérimaires espagnols ont été logés séparément pendant 14 jours : « On ne pouvait pas prendre le risque d’une contamination au Covid-19. Puisqu’ils ne peuvent pas se déplacer, nous les ravitaillons en nourriture et savon, et leur rendons service pour envoyer de l’argent à leurs familles. »
Un complément par les plateformes
Ensuite, il a complété cette base avec les plateformes affectées à l’emploi agriocle. Au domaine La Valignette, cinq inscrits au site Desbraspourtonassiette.wizi.farm ont commencé à la mi-avril.
Il sait par expérience que les nouveaux recrutés n’auront pas tous le même profil : certains seront productifs en peu de temps, agiles, concentrés et patients, mais pas tous. Sur le domaine, travaillent des personnes avec et sans passé professionnel en agriculture. Il calcule que 15 à 20 % abandonneront avant la fin de leur contrat. Jacques Giraudeau consacre plusieurs heures hebdomadaires au recrutement pour ne pas risquer le sous-effectif synonyme de pertes.
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